Splendeur du western à l'américaine de Ted Post ambiancé par le lynché Clint Eastwood. Musique !

Aaaah Eastwood… Clint Eastwood… quoi de mieux qu’un bon Clint Eastwood en bonne et dû forme. Ca ne peut que faire du bien. Et quelle tête. Et quelle poigne. Non, vraiment, un Eastwood, ça ne se rechigne pas.
Cigarillo, chapeau de cowboy, regard vide, absent …ou qui en dit long. Pour filmer Clint Eastwood, il fallait (ou il faut, puisqu’il est toujours des nôtres) en avoir sous le chapeau (!). Et Clint, vraiment, quel acteur, mais quel acteur ! Un acteur, puis un réalisateur, que j’adore toujours autant (j’ai pourtant manqué son « Cry macho » au cinéma !), et qui m’a fait aimer le cinéma, puis le western.
Il s’agit tout de même du film qui a lancé la carrière de Clint.
Il s’agit également d’une production Malpaso, société de production fondé par le grand Clint grâce aux deniers qu’il a perçu grâce aux westerns européens tournés par Sergio Leone. Premier film de la longue et prolifique carrière à être produit par Eastwood.
Le ‘Bon’ était derrière le projet tandis que Leone est en Europe pour tourner « Il était une fois dans l’ouest ». Eastwood est quasiment réalisateur puisque l’idée est de lui.


Synopsis : 1889, Oklahoma. Un cowboy, lynché pour avoir volé du bétail, est retrouvé par un marshal travaillant pour un juge qui le gracie d’une pendaison faute de preuve. Le cowboy devient alors marshal… .


Avec « Pendez-les haut et court », l’enjeu est de taille puisque le western revient sur les terres qui ont fait de lui l’apogée de son classicisme. Et donc du thème de la vengeance maintes fois rebattue. Malgré qu’elle soit un plat qui se mange froid… . Ou chaud, selon les envies -de whisky, sans aucun doute !
Ce qui m’amène au point de la justice.
Mais quelle justice ? Celle d’un tribunal ? Ou celle des hommes, sans foi ni loi. Quel est cet appareil de modernité face à ces hors la loi belliqueux dénué de charme et de ‘home sweet home’ ? Quelle est cette différence entre être assis sur le banc des accusés ou se prendre une balle, à bout portant, en pleine nuque ? La frontière est ténue. Elle tient à peu, certes. Toujours est-il que le whisky peut être frelaté.
Le tribunal est-il vraiment une loi ? Notre époque en est le triste reflet. Les hommes sont-ils tous loyaux ? Ah la loyauté ! Vil débat en perspective. Autour d’un verre ?
Il y a aussi frontière entre la justice judiciaire et la justice expéditive. Libre arbitrage de tous, de tout un chacun. En ressort une critique acerbe sur la pendaison en place publique. En 1968, tout juste après le maccarthysme. Critique également des Etats-Unis d’Amérique à la fin du dix-neuvième siècle sur l’égalité des hommes, des coupables face au pouvoir.
Mais… le pouvoir règle-t-il tous les problèmes ? La confiance s’achète-t-elle par l’argent ? « Pendez-les haut et court » dénonce par la même occasion le pouvoir corrupteur de l’argent et des hommes. Par la loi du plus fort (par, aujourd’hui, l’autorisation d’un américain à porter un pistolet dans les lieux publics).
Dans tous les cas, la justice du juge arrive toujours à point. Mais un jugement est-il sincère, véritable, … impartial ?
Moult et moult questions que l’on peut se poser, encore et toujours, sur l’appareil judiciaire. Au comptoir, dans un saloon, entre Henry Fonda et John Wayne ou entre Lancaster et Cooper… , en évitant une balle perdue. Ou un juge !


Passons maintenant au final.
Il m’a fait penser aux planches du jugement par le juge Roy Bean, en tant qu’accusé et juge, dans la célèbre BD Lucky Luke du « Juge » (publié en 1959) car Eastwood s’en va en sachant qu’il ne remettra plus les pieds dans cette ville qui lui dit adieu à sa façon en laissant les cordes de la potence vide.
En premier lieu, je peux donc noter le pouvoir métaphorique du jugement selon Eastwood : s’agit-il du présage de « L’homme des hautes plaines » et de « Pale rider » ? Il n’y a pas de réponse juste, je me permets d’invoquer le fantôme eastwoodien et donc l’annonce du western crépusculaire dans toute sa splendeur.
En second point, il y a ce duel elliptique. Avec en toile de fond la musique de Dominic Frontier (compositeur sur « Chisum », « Brannigan », « Color of night »…) -à la Morricone- qui sonne le trépas d’un homme qui a déjà oublié son passé et qui fuit le progrès des hommes -tout comme l’Homme sans nom dans la saga du ‘Dollars’ qu’il a incarné- qui rappelle qu’Eastwood poursuit sa quête vengeresse, à tout prix, sans passer par la potence, comme tous les chiens galeux qu’il ramène.


Ce qui m’amène à parler du cowboy lynché, le personnage incarné à fleur de peau par un Eastwood en excellente forme.
Un cowboy sans nom, qui déboule en Oklahoma sans prévenir. Au gré des aventures dans lesquelles il se fourre. Tout d’abord, il se fait policier. Puis vacher. Puis marshal. Antipatriotique, il n’a pas de loi. Il bosse pour la justice, le plus offrant. En a-t-il le choix ? De toute manière, c’est une proposition indécente. Un poker menteur ? Sans doute. Pour une rédemption qu’il n’aura finalement jamais. Peut-être le sait-il déjà. Il se fait avoir comme un chasseur de primes avare et cupide. Un anti-héros se voyant rembarré par les valeurs que son ancienne vie lui a dictées. Son passé de l’Homme sans nom le hante puisqu’il est passé du côté de la justice des justices (policier, puis marshal sans foi ni loi). De desperado vif et sanguin (« Pour une poignée de dollars ») à marshal, il y une limite insaisissable qu’il a pourtant franchie puisqu’il est passé de l’autre côté de la loi. Loi qui ne lui sied guère. Qu’il aura tôt fait à mettre à son profit. Comme tout cowboy qui se respecte. Haut les mains, Clint !
Eastwood est donc cet Homme sans nom laissé dans l’indifférence par une Amérique aux abois qui tente de se reconstruire de la fameuse Guerre de Sécession. Et le futur réalisateur de « Minuit dans le jardin du bien et du mal » d’apposer son empreinte, sa gueule d’acteur pour mieux nous imprégner de l’ambiance de « Pendez les haut et court ». Un homme sans pistolet est un homme mort… .


En ressort ainsi deux points. Un mort, puis un mort.
Tout d’abord, la légende du Cavalier sans nom se poursuit grâce à la construction du personnage d’Eastwood qui prend le temps de s’ancrer dans l’Histoire des Etats-Unis après la Guerre de Sécession (« Le bon, la brute et le truand »). Le ‘Bon’ amplifie sa légende quitte à se bonifier en achetant ‘La loi de l’Oklahoma’ (le regretté Pat Hingle qui en impose -révélé par Kazan, il jouera aux côtés d’Eastwood avant de prendre les traits de l’inspecteur Gordon dans les « Batman » burtonien). Puisqu’on en est au casting, voici les têtes poussiéreuses principales qui forment une unité d’interprétation pour ce western :
- Ed Begley, Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour « Doux oiseaux de jeunesse ». Avec sa moustache tout en finesse, il est ‘le capitaine’, le chef des méchants, tout en nuances. Bigrement appréciable et repoussant à souhait.
- Ben Johnson, charismatique au possible, est le marshal arrêtant tous les hors la loi au début du film. L’habitué westernien par excellence : « La charge héroïque », « Major Dundee », « Chisum », « Le poney rouge »… .
- Dennis Hopper, en ‘prêcheur fou’, est abattu par le marshal Ben Johnson. Il est déjà passé sous le feu des projecteurs par « La fureur de vivre », Géant », « Règlements de compte à O.K. Corral » et « Luke la main froide ». Du talent à revendre, sans aucun doute ! Prêchons !
- ‘le suédois’ est un certain Herbert Ellis qui a collaboré avec Jack Webb à la création de la série « Badge 714 ».
- avec également l’immanquable Bruce Dern (futur Prix d’interprétation masculine cannoise pour « Nebraska ») dans le rôle d’un prisonnier étonnant et Inger Stevens (« Police sur la ville », « Cinq cartes à abattre ») au charme troublé et troublant.
Ensuite, la musique eastwoodienne (stridente, provocante, malaisante et donc bougrement efficace car mirobolante et envoûtante) de Dominic Frontiere -pas de Morricone !- l’accompagne sur les traces de la vengeance en une mise en scène de Ted Post impersonnelle, légèrement brouillonne mais bigrement efficace, carré et fluide grâce à une écriture scénaristique riche, dense et complexe à travers les thèmes du western traditionnels chers à Ford, Hawks, Hathaway et Sturges remis au goût du jour sur les terres de l’Oncle Sam.


Le scénario, écrit sur un mouchoir de poche, reprend du poil de la bête après les westerns européens estampillés politiques (je pense bien sûr aux Sollima et plus particulièrement à « Colorado » et au « Dernier face-à-face », tout comme aux premiers western Zapata -« El Chuncho », « Companeros »- tournés à la même période).


Le western, grâce au réalisateur Ted Post (ami eastwoodien depuis la série Rawhide dont il a réalisé vingt-quatre épisodes, il a également mis en scène « Le secret de la planète des singes », « Magnum force » -le second opus de « L’inspecteur Harry »-, « Le merdier » avec Lancaster, « Le commando des tigres noirs » avec Chuck Norris) poursuit son chemin et les meurtriers/condamnés parsemés dans « Pendez-les haut et court » prennent eux aussi de l’ampleur grâce au sujet (de la potence) qui permet de donner, encore une fois, les lettres de noblesse d’un genre à l’apogée de son art entre les 60’s et les 70’s.


Des westerns audacieux et solides comme « Pendez-les haut et court » (de son titre originel « Hang’Em High »), succès public sorti en 1968, transfuge du western à l’italienne, j’aimerai en découvrir tous les jours !
Fraîcheur incandescente inouïe pour un ballet mortifère et fantomatique euphorisant à souhait. D’autant que la musique fait penser à du Morricone à 99% !
Shootons-nous, à l’extasy …et au lynchage.


Spectateurs, vive les pendus !

brunodinah
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le 28 déc. 2021

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brunodinah

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