Perfect Days est un ovni. C'est un film lent, à n'en pas douter. On suit le quotidien simple d'un homme, entre son travail de nettoyage de toilettes publiques et ses passions : la lecture, le jardinage et la photographie. Son quotidien sera à peine chamboulé par les quelques péripéties auxquelles il fait face : son insupportable collègue et son amie, la visite impromptue de sa nièce puis de sa sœur, ses rencontres bizarroïdes et son amour pour une tenancière qui finit en une danse nocturne avec un rival en fin de vie ; et par ses rêves, images mystérieuses en noir et blanc qui ponctuent les différentes scènes.
L'essentiel est ailleurs. Car si le film est lent, on ne s'ennuie pas (ou à peine). On est vite pris dans l'ambiance du film, dans cette vie superbement banale, magnifiée par chaque petite aventure et par les plans somptueux de Tokyo. Le contraste, entre son travail apparemment sale et sa délicatesse intellectuelle et physique, est une ode à la richesse intérieure, qui peut se satisfaire de peu tant qu'on élève son âme. Le film est une critique du consumérisme même culturel : le personnage lit un livre à la fois, quand il le finit, il le range et va en acheter un autre, un seul à la fois, et ainsi de suite. C'est aussi un hommage à la musique américaine des années 1960 avec une bande-originale fantastique. Surtout, c'est une performance incroyable de l'acteur principal, Kôji Yakusho (acteur fétiche de Kiyoshi Kurosawa, vu dans The Cure, Kaïro ou Charisma), d'ailleurs récompensé par le Prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes. Le film repose littéralement sur lui, et surtout sur son visage qui reflète tout un ensemble d'émotions plus subtiles les unes que les autres. Le plan final est d'ailleurs le plus réussi du film. Sur la chanson Feeling Good de Nina Simone, il conduit, regard face caméra, emmêlant ses émotions entre le rire et les larmes difficilement retenues, qui renvoient pourtant toutes le même message : l'espoir de jours parfaits.