Phantom Thread est une romance bien singulière. On est loin des comédies romantiques à l'eau de rose et pourtant, il s'agit d'une véritable histoire d'amour. Mais elle met en relation deux personnages diamétralement opposés. D'un côté, l’obsessionnel Woodcock, créateur de robes de génie. De l'autre côté, Alma, modeste serveuse aux proportions parfaites, faites justement pour porter ces robes bénies.


Et qui de mieux pour incarner un maniaque du travail que Daniel Day-Lewis ? Comédien connu lui-même pour son investissement démesuré dans ses rôles. Il avait même annoncé sa retraite après ce film (ce qui est très dommage). Day-Lewis, sous la direction de Paul Thomas Anderson, ça avait donné le terrifiant Plainview dans le non moins terrifiant There Will Be Blood.


Phantom Thread aborde une fois de plus les sujets de prédilection du réalisateur, le pouvoir, le contrôle, la relation à l'autre, l'obsession. Il rappelle à bien des égards des opus comme The Master et Magnolia. Mais ces ingrédients mis au service d'une romance deviennent rapidement toxiques.


Car effectivement, le personnage de Woodcock est toxique. Pourtant, tout cela commence comme un véritable conte de fée lorsque la rencontre a lieu dans un café où Woodcock a ses habitudes. Alma (touchante et troublante Vicky Krieps), jeune serveuse de son état, ne tarde pas à tomber sous le charme de son ténébreux client.


Mais rapidement, le conte de fée s'effrite quelque peu tant la personnalité de Woodcock est singulière. L’élixir de l'amour, selon la dose, peut alors rapidement devenir un poison. Notons à cet égard la métaphore avec les champignons cueillis dans les bois, où il faut faire la distinction entre les vénéneux et les autres. Et bien, l'amour, c'est la même chose. Parfois, ça se déguste et c'est très bon. Et d'autres fois, cela peut nous empoisonner la vie.


Parce que l'amour peut rendre aveugle, irrationnel, obsessionnel, possessif. Mais au-delà de tous ces désagréments du sentiments amoureux, lorsque cet amour est déséquilibré dans la relation, il peut devenir source de douleur. Woodcock est un homme qui privilégie son art avant toute chose. Alma est une femme qui privilégie son amour de Woodcock avant tout... Amour asymétrique.


Et pourtant, l'artiste n'est pas si désintéressé que cela de sa dulcinée. Il aime sa présence, mais il la désire dans certaines modalités. Il pense pouvoir s'en passer mais rapidement, il se rend compte qu'il a besoin d'elle. Et c'est là que l'amour devient son propre philtre d'amour et que de l'asymétrie, on arrive à quelque chose de... Tordu !


Mais en dehors de la relation entre ces deux personnages, le cadre, la photo, installent une esthétique assez particulière. Entre confort dans la richesse des couleurs, les mouvements de caméra. Mais aussi le malaise parfois, avec ces contrejours étranges qui reviennent souvent, mais avec si peu de lumière. Comme le montre d'ailleurs l'affiche du film, des couleurs, mais peu d'éclat.


Et tout cela peut aisément se résumer en une réplique entendue dans le film "Kiss me before I'm sick." Un véritable succédané de cette histoire d'amour pas comme les autres.

Andika
8

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le 1 août 2020

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