Première fois en hôpital, du coup, pour occuper la soirée entre deux prises de tension, je décide de réinvoquer l'esprit de Noël. "Home Alone" déjà visionné (pas facile lorsqu'une armée de jeunes femmes pleines de bonnes intentions veulent absolument savoir le nombre de vos battements de coeur !), je décide donc de regarder l'autre de mes films préférés pour cette période pleine de l'esprit de famille : Die Hard. Marrons chauds, pains dans la gueule, chaussettes au-dessus de la cheminée et headshots dans la cage d'escaliers, tout ceci sent bon le lait de poule et de poudre. Donc, John McLane débarque à Los Angeles pour y voir femme et enfants, ces derniers étant partis lorsque l'épouse a trouvé un poste sur la côte. La côte opposé, puisque John vient de New York, enraciné qu'il est dans la grande capitale. Bref, situation de famille un poil tendue, puisque les époux McLane s'aiment mais sont trop cons pour se le dire, pile ce genre de gens que j'aime. Bon, de toute façon, John n'aura pas le temps d'enterrer son mariage, alors qu'il fait "le point - le poing en fait - avec ses orteils", l'élément le plus important du film, des terroristes arrivent, bouclent la petite réception de bureau des collègues de madame McLane, et commencent à se répandre dans la tour. C'est mal barré.

J'ai envie de parler de tout et en même temps mais on va se fédérer un poil. Alors, d'abord, parlons de ce qui me tient à coeur et qui, d'ordinaire, est bâclé : les personnages. C'est simple, ils sont bons. En fait, les personnes aux manettes des dialogues et du scénario ont compris la différence entre profondeur et véracité. Je ne veux pas que tous les personnages à l'écran aient vécu un traumatisme horrible qui fluctue dans leurs émotions comme dans une tragédie au sens noble, bon sang, je veux juste croire qu'ils existent, qu'ils ont l'air vivant à l'écran. Et là, bordel, ils le sont ! La "caractérisation" fait des miracles, les personnages d'Alan Rickman et de Bruce Willis sont indubitablement antagoniste, de façon naturelle, parfaitement dans le ton. On ne sait rien de l'histoire de Gruber est pourtant, voilà, le terroriste instruit, pragmatique et professionnel, très intellectuel, ben, il l'incarne totalement, face à ce petit flic bas du front, qui n'hésite pas à se faire plus bête qu'il ne l'est pour se faire l'exact opposé. Parfait. Entre eux, les seconds rôles sont toujours à la limite du grand guignol mais ne gâchent jamais l'ensemble, d'Hollie l'implacable épouse de John à Al Powell, on a le meilleur, pour les pires, Ellis et les agents du FBI en tête.
D'ailleurs, on remarque combien ces personnages ont des échos presque burlesques (l'agent Johnson et l'agent spécial Johnson, deux espèces d'idiots belliqueux qui ne font que passer). C'est presque un des menus défauts du métrage, j'ai envie de dire : on se retrouve parfois avec l'impression d'être face à deux niveaux de lecture, induits par les personnages qui eux-même se séparent entre ceux qui font preuve de bon sens (le méchant, le héros, Powell) et ceux qui sont complètement déconnectés de la réalité, à un point un peu outrageant (le bref sidekick, sur lequel la caméra revient parfois inutilement et qui a même sa propre "fin" pas très utile, les deux agents du FBI pré-cités, le chef de la police qui a l'air aux fraises, le présentateur qui a un impact intéressant mais est un peu trop écrit au second degré). Du coup, on ne sait jamais trop si le film se prend au sérieux ou pas. On imagine que pas vraiment, même s'il est largement équipé pour le faire. Et même, si je trouve que c'est un point un peu faible, l'astucieux script fait quand même un bon usage de cette distinction de sérieux entre les personnages lors d'une scène assez fascinante durant laquelle Ellis, personnage défoncé, tente de négocier avec McLane. Et là, le film semble s'excuser d'avoir eu des personnages un peu concons. T'inquiète, on t'en veut pas !
D'autant que des situations particulièrement astucieuses, il y en a énormément. Un film d'action, ça doit comprendre énormément de gunfights, hein ? Ben rassurez-vous, le gunfight est à l'honneur - et même plutôt bien - mais on ne se contente pas juste de flinguer. En fait, Die Hard parvient à trouver plein de situations rafraîchissantes, plein d'affrontements avec le petit truc en plus, qui renouvellent en permanence l'action. Et c'est trop cool ! Entre l'entrée des équipes d'assaut, le "vise les vitres", la fusillade dans les bureaux de Takagi, c'est du tout bon ! Allez, pour être un peu tatillon, je dirais que le passage avec la conclusion du subplot sur les otages est un poil relourdingue, mais on s'en fout : c'est toujours malin et fait dans les règles de l'art. Il faut comprendre qu'on vous montre toujours ce qui va être utile plus tard, qu'on ne cherche pas à vous berner en solution toute droit sortie du chapeau, l'air de rien. Et même l'ambiance eighties n'a absolument pas vieilli, au contraire. C'est tout à fait personnel, mais je trouve qu'à cette belle époque on savait faire l'usage d'une panoplie de couleurs, comme dans les séquences de la réception de Takagi.
Et le mieux, c'est que le rythme est parfaitement maîtrisé, jouant avec les accélérations et les ralentissements de l'action, en utilisant une superbe technique de communication : les talkie-walkies croisés, qui font que les uns et les autres peuvent s'entendre, malgré confidence et faux-semblant. Du coup, on utilise des pseudonymes, on écoute en s'interrogeant sur l'autre, sans le voir, on projette l'image d'un interlocuteur. On se retrouve même avec une séquence où le héros craque nerveusement et est à deux doigts de pleurer ! Oui m'sieur, pour une fois, le monolithe se fissure. Le point d'orgue de ces manigances : la rencontre entre John et sa Némésis, un pur bijou de tension, née d'une chose que j'adore : lorsque le spectateur a davantage d'informations que les personnages, le film a été suffisamment bien conçu pour qu'ils comprennent aisément les enjeux et du coup, c'est que du bonheur.

En un mot : magique. En fait, à chaque fois que je regarde "Die Hard", je me rends compte qu'on a rien fait de mieux après, on a juste tenté quelques variations sur le même thème, sans jamais atteindre l'inénarrable modèle, le grand papa du cinéma d'action. Non, franchement, ce film défonce. En tout cas, ça m'a bien fait plaisir à voir, même à l'hôpital.

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le 26 janv. 2014

Modifiée

le 28 janv. 2014

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