Pierrot le Fou, c'était le seul film de Jean-Luc Godard que j'avais déjà vu - mais de loin et trop jeune - avant de m'ennuyer très récemment devant Vivre sa Vie. Faut dire que Pierrot, ça me parle : je m'présente, je m'appelleuuuuh Pierre, j'voudrais bien réussir mon texte, être luhuuu !!!


En même temps, j'avais beaucoup aimé la prestation d'Anna Karina dans ce dernier, et ça m'a donné envie de revoir cette magnifique actrice que l'on retrouve ici donnant la réplique au Jean-Paul Belmondo que j'aurais aimé voir plus souvent. Leur couple fonctionne parfaitement. Enfin, façon de parler... Parce que dans ce film, parler c'est tout un art ! On parle de tout et de rien : de poésie, de peinture, de musique, ou de philosophie pour les uns (Ferdinand) ; et de cosmétique des apparences pour les autres (quelques bourgeois). "On est entré dans la civilisation du cul". Sauf que "Les hommes seuls parlent toujours trop".


Un film bourré de dialogues passionnants, avec notamment cette sublime manière qu'aura le couple de se partager les phrases. Un couple en fuite (de la justice) comme en quête de liberté. La menue Marianne heureuse - au point de nous la jouer comédie musicale un instant - se mettra d'ailleurs en tête d'appeler Ferdinand "Mon Pierrot", malgré les protestations de cet homme quittant sa femme pour elle. Mais la symbolique Marianne (ce prénom n'est très certainement pas dû au hasard) est têtue : Ferdinand est mort, Pierrot est sien, il est sa lune... Et au diable le travail ! Servons-nous, jetons tout et cramons-tout. Anarchie ! Et allons-y Alonzo, direction le sud et l'Italie.


Le spectateur se retrouve un instant pris à partie, sur la banquette arrière, façon road-movie. La mer pour piscine, le sable pour couverture, un perroquet et un fennec pour compagnons, Marianne et Pierrot semblent vivre la belle vie. Pierrot écrit, Jean-Luc nous ravi de ses nombreuses idées de mise en scène, mais Marianne commence un peu à s'ennuyer. Marianne veut vivre, Pierrot veut être libre. Deux visions s'opposent : la sensitive et l'intellectuelle. L'action et le concept.


Malheureusement, la suite du film, en dehors de son superbe final, du petit aparté très amusant avec Raymond Devos, et d'autres très bonnes idées (les trous peints du fromage c'est du pur génie), me paraît un peu plus poussive. Comme si l'autodestruction tragiquement soulignée par Marianne - au sujet des recherches policières - finissait par rejaillir sur ce scénario somme toute opaque, pour ne pas dire foutraque... Mais pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliquer ?


Ceci dit, Pierrot le Fou reste un classique du cinéma français toujours aussi passionnant sur le fond, et presque autant sur la forme. Surtout lorsque la poésie s'invite dans un dénouement où le héros se barbouillera du bleu du ciel, afin d'embrasser les nuages de toute son âme...

RimbaudWarrior
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le 21 mai 2016

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RimbaudWarrior

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