Pig
6.4
Pig

Film de Michael Sarnoski (2020)

Michael Sanorski réalise avec Pig son premier long-métrage. Loin du revenge-movie auquel on peut s'attendre, c'est un drame intime qui nous est livré d'une manière maîtrisée et touchante. Une recette savamment dosée pour surprendre le spectateur et l'emmener dans une quête de paix intérieure sans patos.


Nicolas Cage continue d'enchaîner les projets de manière gargantuesque et dernièrement ce sont les films de genre qui prennent le pas dans la filmographie de notre homme. De **Jui Jitsu** (Dimitri Logothetis, 2020) à **Prisoners of Ghostland** (Sono Sion, 2021) en passant par **Willy's Wonderland** (Kevin Lewis, 2021), les approches sont aussi variées que la la qualité des produits proposés. Mais parfois il faut s'arrêter sur la marchandise, et l'emballage et les a-priori se trouvent rapidement faussés à la vision du métrage. Le synopsis et la pilosité envahissante de notre protagoniste principal semblent dignes d'un pastiche de **John Wick** (Stahelski & Leitch, 2014), un chasseur de truffes qui vit seul dans une forêt de l'Oregon doit retourner dans son passé à Portland à la recherche de son cochon après qu'il ait été kidnappé . Pourtant le kidnapping de l'animal se révèle être un prétexte et c'est vers un drame sensoriel que va nous emmener à notre insu Sanorski pendant près de quatre-vingt-dix minutes.
L'ouverture du film annonce la couleur : le chant des oiseaux et le son de la forêt sur écran noir puis des plans posés sur Rob, le personnage que Nic Cage interprète d'une manière retenue et pleine de sobriété qui peut évoquer sa performance acclamée dans **Joe** (David Gordon Green, 2013). S'ensuit l'indication que le film va être chapitré avec des intitulés de plats gastronomiques et des plans assez longs composés souvent de sur-cadrage et de lumière naturelle travaillée. Bref, tout ça pour dire que l'on est loin d'un actionner bourrin. Sanorski va confirmer avec la scène de l'enlèvement du cochon : un plan séquence qui reste proche de Rob et n'en donne pas plus à voir que ce qu'il voit lui-même. La quête de l'homme pour retrouver son animal de compagnie, son unique ami et collègue de travail, va se faire par un retour à la civilisation de Rob, dans son passé par des lieux, des rencontres et des saveurs. Un retour à la société après quinze ans qui commence par des difficultés d’éloquence ou encore la prise de conscience de la disparition des personnes qu'il connaissait. Régulièrement le personnage est mis à distance du monde qui l'entoure par de nombreux sur-cadrages. Une mise en retrait relative compensée par l'ouverture de point de fuite, de porte ou de fenêtre aux arrière-plans, laissant au personnage la possibilité de fuir ou d'avancer. Si l'allégorie simple du passage de la forêt sauvage à la jungle urbaine est bien sûr de mise pour donner lieu à quelques échanges physiques pour ouvrir ce retour vers le passé, **Pig** travaille à faire revenir la sensibilité de Rob à travers le goût et les sens.
Rob est présenté en ermite, ne dialoguant qu'avec son cochon et prenant le temps de cuisiner. Une imagerie culinaire qui sert de fil rouge au film. Les étapes dans les lieux de restaurations sont les moments importants du trajet de l'homme. La relation entretenue avec Amir, le contact qui vient chercher ses truffes et qui devient son binôme de voyage, est le point de repère sur l'opposition du personnage à la société établie. Amir, interprété par Alex Wolff (que les fans de films de genre connaissent pour avoir joué Peter dans **Hérédité** (Hereditary, Ari Aster, 2018)), est un personnage jeune, naïf et bien intégré à la société de consommation qui se laisse entraîner malgré lui dans la quête acharnée d'un autre. Un quête pour qui tout cela aura une approche initiatique sur des valeurs différentes que celle qu'il connaissait. Prendre le temps pour soi tout en transmettant le goût de ce que l'on aime, voilà peut-être le sens du travail que nous présente Michael Sanorski.
Truffé d'idées, **Pig** est donc un film qui surprend. Il prend à revers toutes les attentes esthétiques et narrative de son pitch. Plus profond qu'il peut y paraître, le film mérite donc de s'y attarder pour en relever les différentes saveurs. Un plaisir tenu dans la quasi-totalité des plans par un Nic Cage investit et clairement bien dirigé, une de ses performances récentes à ranger sans aucun doute au côté du maîtrisé **Color Out of Space** (Richard Stanley, 2019). Proposer une réouverture des sens et papilles est une bien bonne intention qui donne envie de compléter le film par une sortie en forêt avec son animal favori.
PierrickLafond
7
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le 27 oct. 2021

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