Nagez tant que vous le pouvez

Suite au succès de La colline a des yeux (2006), on aurait pu penser qu'Alexandre Aja (accompagné du fidèle Grégory Levasseur) continuerait son bout de chemin tranquillement à Hollywood. Refusant plusieurs projets de remakes, il finit par jeter son dévolu sur celui d'Into the mirror (même si le duo a plus d'une fois évoqué que leur film n'a pas grand chose à voir avec le film sud-coréen). Si Mirrors (2008) est un succès correct, en revanche le film laisse sérieusement à désirer, Kiefer Sutherland jouant son personnage à l'image de Jack Bauer et on ne retiendra malheureusement que quelques séquences horrifiques.

Le duo se lance ensuite dans une sorte de film dérivé du Piranha de Joe Dante (et en soi de sa suite partiellement réalisée par James Cameron). Un script est déjà écrit, mais il ne semble pas les satisfaire et ils refont le tout sans être crédité (un souci récurrent pour les scénaristes, puisqu'ils ne font pas partie du Syndicat des scénaristes). Un projet qui était dans les cartons depuis un moment car le duo devait initialement le faire au début des 2000's, avant que Chuck Russell ne les remplace et que le projet finisse enfin dans leurs mains à nouveau.

Si Piranha 3D a été produit correctement dans son ensemble, en revanche la post-production fut une véritable catastrophe. La cause ? Les frères Weinstein qui avaient déjà planté Aja et Levasseur à l'époque du remake du film de Wes Craven et qui ne les ont pas aidé durant cette période. Dans les bonus de l'édition française, ils expliquent donc que voulant faire des économies, les frères ont décidé de déléguer des effets-spéciaux à des prestataires moins chers bossant visiblement pour Syfy...sauf qu'ils n'ont jamais rendu un quelconque travail. Le problème est que la date de sortie se rapprochait dangereusement et que les sfx comprennaient non seulement des effets gores, les piranhas, mais aussi tout ce qui concerne la 3D. Cela explique pourquoi certains effets sont moins bons que d'autres et aussi que la 3D a moins d'effets que prévus. Il n'en reste pas moins que cette dernière était la meilleure depuis Avatar (on avait déjà subi des conversions pourries comme celles du Choc des titans et d'Alice au pays des merveilles), que ses effets "in your face" étaient franchement pas mal et allaient parfaitement avec la dimension popcorn du film. Si Aja n'avait pas pu tourné en 3D native à cause des problèmes de logistique liés à l'eau, la conversion fonctionne bien.

Piranha 3D est un film fun, outrancier et généreux. C'est le genre de film où les membres tombent, y compris les plus improbables (on sent que l'effet teub est génialement gratuit, y compris celui avec des prothèses mammaires), d'autant plus que le film est très bon pour ce qui est des scènes gore. Ainsi le massacre survenant en plein Spring break est d'un côté jouissif de par son explosion gore, mais aussi bien dramatique car la scène est traitée avec un maximum de sérieux et que le nombre de morts est assez exceptionnel. C'est notamment dans ce passage-là que le film se rapproche le plus du film de Joe Dante, renvoyant directement au massacre du parc aquatique de Dick Miller.

Le reste n'a en revanche rien à voir jusqu'à la cause même (ici des piranhas préhistoriques et non des piranhas issus d'expériences militaires). A l'image également de l'hyper sexualisation bis du film (cf la fameuse scène d'étreintes sous-marines). Mais c'est ça aussi qui fait le charme de Piranha 3D et ce malgré des acteurs plus convaincants que d'autres. Steven R McQueen (visiblement imposé par la production) se révèle assez lamentable là où Jerry O'Connell est jubilatoire en réalisateur de films pornographiques. On peut également regretter la romance peu convaincante et les gamins juste là pour donner des enjeux supplémentaires.

Les Weinstein exploiteront le filon avec une suite nommée Piranha 3DD (John Gulager, 2012) que tout le monde a globalement oublié et qui est d'ailleurs sortie en vidéo chez nous.