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Ce troisième épisode reprend tonalement là où s’arrêtait le précédent (Jack présumé mort) avec une pendaison massive (dont un gamin) : une ambiance désespérée, le crépuscule de l’âge des pirates. C’est alléchant, mais ça ne dure que cinq minutes et très vite on se retrouve avec l’humour habituel de la saga, qui semble ici bien plus lourd, plus appuyé. On pense au dépouillement des armes d’Elizabeth qui dure, et dure, et dure, à un concours de quéquette figuré par des longues vues, ou des roustons sous forme de boulets de canon qui pendent entre les jambes de Barbossa.
C’est la bascule, la franchise se repose sur ses acquis et semble ne plus savoir quoi faire sinon tout amplifier. Scénaristiquement, cela se traduit par des expédients narratifs à tout bout de champs pour éviter de justifier les changements de décors radicaux, la mise en place au chausse-pied d’un lore à base de Seigneurs Pirates (dont Jack fait évidemment partie), ou une intervention divine littérale comme élément de résolution… On augmente les enjeux jusqu’à en faire une énième épopée où le sort du monde entier (celui des pirates) est dans la balance.
A ces raccourcis facilitateurs s’ajoute une fantasy azimutée qui attaque sévèrement la consistance de cet univers jusque là plutôt tenue (les improbables architectures de Shipwreck Cove, la sortie simpliste de l’Antre de Davy Jones, une Calypso gigantesque de mauvais goût…). Tout est fait pour rendre le spectacle plus grand que nature, au détriment de toute cohérence et de toute mesure. Pas étonnant du coup qu’arrive, comme un cheveu sur la soupe, cette étrange référence aux duels de Leone.
Et pourtant, dans cette soupe trop riche (At World’s End étant d’ailleurs à sa sortie le film le plus cher de l’Histoire - il est aujourd’hui 14ème, ce qui en dit long sur l’évolution du médium sur ces vingt dernières années), surnagent quelques chouettes idées visuelles. Comme cette scène absurde hallucinée, toute de blanc éclatant, qui confère du Terry Gilliam à l’oeuvre (influence pour Verbinski qui se confirmera dans le pinacle de sa carrière qu’est Rango). Ou cette mer en miroir de la voûte étoilée et ces barques fantômes qui défilent le long du Pearl.
Mais ces quelques saillies n’empêchent pas un sentiment de boursouflure, celui-ci d’une trilogie qui ne savait pas se conclure autrement qu’en un fourre-tout indigeste et trop long (presque trois heures) qui ne raconte finalement pas grand chose, et dont les personnages n’ont pas évolué d’un iota par rapport au volet précédent.