Un des films m’ayant laissé un des plus inoubliables souvenir de cinéma, enfant, fut Pirates, de Roman Polanski : de l’aventure et du suspense ! un duo de personnages remarquable ! et des gueules de pirates crasses à souhait, que du bonheur !
Aussi ai-je accueilli Pirates Of The Caribbean : The Curse Of The Black Pearl, ce retour en force du grand spectacle de la flibuste, avec énormément de plaisir. Un plaisir vivace, encore aujourd’hui après plusieurs visions (seul en vo, ou en famille et vf pour les enfants), tant le temps file tandis que le Black Pearl fend l’eau et que Jack Sparrow nous entraîne, sans aucun répit, dans une aventure hors norme, poissée d’humour et de surnaturel. Un véritable divertissement : spectaculaire, chamarré, riche d’émotion ! L’ensemble porté par pléthore de tronches creusées, écornées et abimées, et qui toutes participent à l’intrigue.
Gore Verbinski, sur un scénario de commande, réalise là un best-seller pour les studios Disney.


Mademoiselle Swann, jeune enfant, est perdue dans une lugubre brume maritime. Autour d’elle, le gouverneur Swann, son père, le capitaine Norrington, et Monsieur Gibbs – aux trois caractères en quelques plans déjà bien définis –, repêchent un jeune garçon, Will Turner, de l’océan : toutes les bases de l’histoire, tous les enjeux de ces personnages sont posés. Puis d’un clignement d’yeux, huit ans passent, Elisabeth Swann (Keira Knightley) est couvée par son père, tandis que le jeune Turner (Orlando Bloom) se présente, humble, timide, et manifestement incapable de cacher les élans amoureux qu’il ne dit pas.


Mettant en avant Jack Sparrow (Johnny Depp), pour raconter les aventures épiques et romanesques de deux jeunes anglais innocents exilés dans les Caraïbes, le film multiplie d’emblée les personnages, les points de vue et les enjeux. Autour d’une trame linéaire, le divertissement prend son ampleur de cette complexité formelle. Tous les personnages, des plus importants aux courtes apparitions, ont un rôle, une réplique ou un lien à faire. Tous servent le rythme effréné de la narration.
Ainsi, du premier plan au dernier, tout se raconte d’une unique et palpitante vague. Une déferlante de scènes d’aventures, d’amour, de manigances, de combats navals et de duels. De l’arrivée de Sparrow, à la hune d’un esquif qui sombre, pour clore l’introduction, aux enjeux romantiques des tourtereaux Turner et Swann, qui sont le lien de l’ensemble, en passant par l’équipage de Barbossa, la fidélité de Gibbs, et l’honorable entêtement de Norrington, tous mènent leur propre barque. Et tous ont leur morale particulière, adaptée aux circonstances particulières qu’ils rencontrent. Quand Sparrow atterrit dans l’atelier de Turner, qui défend l’honneur d’Elisabeth Swann, le duel devient une scène emblématique du film, qui dit l’affection et la compréhension naissantes des deux hommes malgré l’affrontement qui se raconte.
Ainsi, chaque rôle offre d’innombrables possibilités.


C’est vrai pour les enjeux, ça l’est aussi visuellement : les costumes, les maquillages, et le jeu des comédiens ! Une incroyable richesse foisonne, brille, frissonne et scintille à chaque plan ! Des représentants de l’autorité, dont le gouverneur Swann (Jonathan Pryce), et ses soldats, aux innombrables pirates, les costumes sont à la fois splendides et réalistes, chatoyants de couleurs et de nuances. Le travail est minutieux et splendide. Les maquillages le sont tout autant : le visage de cuir gras et constellé de Barbossa (Geoffrey Rush) dit ses années d’errance à travers les embruns, et les rayons du clair de lune révèlent la chair noire et sèche des revenants macabres qui l’accompagnent. La magie opère sur chaque visage, souligne les expressions, sublime les caractères, et participe pleinement au corps de chaque personnage.


Les comédiens – dont l’idéal, disent-ils souvent, est de jouer aux cowboys, aux indiens, aux gendarmes et aux voleurs, ainsi qu’aux princesses et aux pirates –, les comédiens, ces grands enfants, s’amusent autant que nous. Johnny Depp en tête, illumine son jeu de mimiques exagérées pour donner vie aux extrémités qui tendent son personnage : toujours au bord du précipice, mais porté par les vents aériens, contre les humeurs contraires de l’océan. Il donne un souffle de vérité à l’humour incessant et décalé de Jack Sparrow, et exécute cabrioles et acrobaties, duels et fuites, avec un plaisir contagieux. Geoffrey Rush en profite également, Barbossa lugubre et joyeux, une riche lueur de promesses dans les yeux.
Chacun – Keira Knightley, Orlando Bloom, Jonathan Pryce, et tous les autres sans exception –, donne un relief sincère à celui qu’il incarne, et transmet ce qui luit au plus profond de son âme d’enfant.
Et de la nôtre tout autant.


Les décors sont sublimes (îles paradisiaques, navires phénoménaux, cités d’ordre, nettes, ou de dépravation, suant la violence, le rhum et la vie), et la photographie, sans être novatrice, est belle. Toujours en adéquation avec l’atmosphère, la lumière ambiance le film, les cadres fluidifient la narration, et le montage en appuie le rythme trépidant. La production ne lésine ni sur les moyens ni sur les explosions. Et les effets participent souvent du chaos de l’histoire, de ses frontières avec le fantastique, qui n’est pas amené frontalement mais par touches successives ; c’est dans le chaos d’un pillage qu’après avoir occis un pirate, Turner le croise quelques minutes plus tard dans la confusion. Une douce réussite d’immersion par le réel. Jusqu’au premier plan pour illustrer la malédiction, et ce bras derrière les barreaux de la cellule, décharné sous un rayon de lune. Ça démarre fort dès les premières scènes, sans temps mort, jamais, et le dépaysement total, nous embarque loin.
Tout enrichit le spectaculaire dans ce pur divertissement.


Blockbuster calibré, réussi, Pirates Of The Caribbean est un produit industriel Disney quasi parfait : la manufacture est digne des plus beaux écrins, le bijou tient toutes ses promesses – bien au-delà de l’attraction brute de laquelle il fut taillé –, mais le propos se limite à l’attrait du plus grand nombre. C’est un film pour les enfants avant tout, avec la saveur sucrée d’une confiserie et l’éclat de l’innocence, auxquels les adultes peuvent goûter également, en prenant un puéril plaisir à se laisser emporter par-delà les flots de l’amusement !


Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 2 mars 2015

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