Alain Delon a 22 ans. Il n’a pas encore oublié que, titulaire d’un CAP de boucherie, il a appris le métier auprès de son beau-père, que pour fuir la charcuterie, il s’est engagé dans la Marine nationale et qu’il en a été viré. La vie est belle, il multiplie les conquêtes et découvre le cinéma. Au culot, il convainc René Clément de lui confier un premier rôle.
Tom Ripley, le héros de Patricia Highsmith, est un escroc, faussaire et ensorceleur. Acculé, il peut se laisser aller à tuer.
Delon est partout et sur toutes les scènes. Il ne joue pas, il jouit de sa chance. Tous le croient acteur, pourvu que ça dure. Il guette son reflet dans les miroirs, il travaille ses sourires. Tel un juvénile félin, il saute, bondit, gambade, joue de sa force et de ses charmes, assuré que l’évanescente Marie Laforêt palliera à ses éventuelles défaillances.
Un polard, c’est tellement plus beau au soleil d’Italie. Si René Clément surjoue la tempête, la relation, cruelle et ambiguë, entre les deux faux amis est admirablement traitée.
Tom Ripley a pris goût à l’argent. L’inconstant Philippe Greenleaf ne mérite pas sa fortune. Sous sa gueule d’ange, Tom cogite, prémédite et tue. Tom sera riche et Delon acteur.
Oubliez les dernières minutes, sotte concession au moralisme, nul n’ignore que Ripley court toujours. Delon aussi, tous le croient acteur.