Il faut croire que 2022 fut une année propice aux punitions parentales. À plusieurs milliers de kilomètres de distance, un cinéaste chilien et un réalisateur chinois ont eu exactement la même idée : un couple en crise, un enfant laissé au bord d’une route forestière pour « lui faire comprendre la vie », et quelques minutes plus tard… l’absence. Le genre de disparition qui ne s’explique plus par un simple coup de téléphone à la gendarmerie.
Hasard ou malédiction globale ? En tout cas, Come Back Home et La Punition semblent filmer la même scène primitive du monde contemporain : celle où les adultes, convaincus de leur bon droit, découvrent qu’ils ne contrôlent plus rien, pas même leurs propres sentiments.
Chez Law Chi-Leung, tout est gelé, au sens propre comme au figuré. Le film déroule son drame dans les montagnes chinoises, entre hélicoptères, drones et neige numérique. C’est The Revenant revu par un manuel de développement personnel. Le père court dans la tempête, la mère pleure dans la voiture, la caméra pleure avec elle, et tout le monde finit par geler dans la morale : ne jamais punir un enfant, surtout quand le marketing du film repose sur sa disparition. C’est un mélodrame expiatoire emballé comme une opération de sauvetage nationale. On y cherche moins l’enfant qu’un sens au patriotisme des émotions.
Chez Matías Bize, la même histoire prend une direction inverse : pas de neige, pas de musique, pas de sauvetage spectaculaire — seulement deux visages, une voiture et un silence. Ici, la punition n’est pas dans la forêt, elle est dans les yeux du couple. L’enfant a disparu, oui, mais surtout le lien, le pardon, la possibilité même de parler. Bize transforme le fait divers en laboratoire émotionnel : il filme la cruauté du remords, sans effet, sans issue.
Ce qui frappe, c’est que le monde entier semble désormais hanté par la même parabole morale. D’un continent à l’autre, les parents punissent, l’enfant disparaît, et la caméra s’interroge sur ce qu’il reste à aimer. La Chine en fait un drame rédempteur, le Chili un constat d’impuissance — deux faces d’une même angoisse planétaire : celle d’une humanité qui croit encore pouvoir éduquer alors qu’elle ne sait plus comment aimer.
Et l’enfant, dans tout ça ? Il reste sur le bas-côté, éternel prétexte à notre besoin de rédemption. Au fond, ce n’est plus un enfant, c’est une métaphore : celle du lien perdu entre responsabilité et tendresse. Et comme toujours, le cinéma se hâte de pleurer ce qu’il a lui-même abandonné au bord de la route.