Le film présenté cette année par Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu, était assez attendu. Mais la première vague de critiques, dithyrambique, a soudainement attiré les projecteurs sue ce film, allant jusqu’à presque lui décerner la palme d’or à l’avance. De quoi susciter quelques attentions et faire en sorte de se programmer une séance pour aller le voir.


Nous faisons donc la connaissance de Marianne, une jeune peintre, quelque part en Bretagne à la fin du XVIIIe siècle. En plein cours, posant pour ses élèves, son regard croise son tableau « Portrait de la jeune fille en feu ». Elle est bouleversée, et elle se souvient. Commence alors l’évocation des souvenirs, de la vie et de l’amour. Portrait de la jeune fille en feu raconte cette rencontre fortuite entre la jeune peintre et une jeune femme destinée (et contrainte) à se marier avec le fiancé de sa défunte sœur. Une jeune femme mystérieuse, que l’on décrit et dont on parle longuement avant de la voir enfin apparaître. Pour Marianne, le défi est de réaliser un portrait peint sur des mots, de savoir qui elle peint, plus que de la peindre simplement comme un modèle figé et inconnu. La peinture devient un moyen d’expression, de souvenir, au sein de laquelle il incombe à l’artiste d’insuffler la vie.


En effet, la peinture tient une place prépondérante dans le film, laquelle ne se limite pas simplement à la tâche demandée à la peintre, mais qui s’étend bien à l’esthétique et au propos général du film. Portrait de la jeune fille en feu est un film grandement influencé par la peinture, où cette dernière est présente dans chaque plan, construit et composé comme un tableau. Les scènes sur la plage, avec le sable, les falaises et les vagues, les scènes d’intérieur, avec ces meubles et ces drapés, évoquent de célèbres tableaux, figeant ces souvenirs du passé, reprenant vie devant nos yeux, grâce à la mémoire de Marianne.


Car la peinture n’a pas juste besoin de couleurs, d’ombres et de lumière, et de perspectives, elle a besoin de vie. C’est, d’ailleurs, ce qui est demandé à Marianne par Héloïse lorsqu’elle réalise son portrait. A l’image de ce besoin de faire vivre ce portrait, il faut faire vivre ces souvenirs, que ces images imprimées dans la mémoire soient encore vectrices d’émotions et de sentiments, pour que cette histoire d’amour puisse perdurer à travers le temps. En commençant par la découverte, puis en passant par la passion, le déchirement, les regrets et l’apaisement, cette histoire d’amour interdite évoque avec sensibilité la vie des sentiments. Marianne est l'artiste et, quelque part, Héloïse devient son âme, insufflant la vie chez Marianne, comme elle le fit avec sa peinture.


Portait de la jeune fille en feu raconte l’amour à travers l’art et le temps, se concentrant sur les images et l’alchimie entre les deux actrices pour faire vivre cette histoire, se permettant même de presque totalement s’affranchir de musique. C’est, sans nul doute, un très beau film, notamment sur la forme. J’admets ne pas avoir réussi à effacer la distance qui s’est maintenue entre moi et le film, notamment après une exposition très longue, m’empêchant d’être réellement bouleversé, bien que le final s’avère être d’une grande beauté. Ce n’est peut-être pas mon film favori de cette quinzaine, mais Céline Sciamma et ses équipes ont fait un très beau travail, et Noémie Merlant et Adèle Haenel peuvent largement prétendre à un prix d’interprétation. Une future Palme ? On peut raisonnablement se permettre d'y penser.


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JKDZ29
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le 21 mai 2019

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