Schni schna schnapi (mais on a oublié de mettre de l'huile dans le moteur)

Cet essai autobiographique a été copieusement sifflé et rejeté, légitimement car il se fout assez largement de la gueule du monde. Mais il fait partie des films chéris des festivals, portés par de nombreux admirateurs car 'différent'. Il confirme la radicalité voulue du réalisateur de Battala en el cielo, le mexicain Carlos Reygadas, aussi borné sur ce coup qu'avec Lumière silencieuse, mais nettement plus joueur.


La photo est originale, avec une vue 'floue' sur les bords de l'écran, simulant un défaut de vue. Le style est ample, grave, la narration au point mort. Pas de recherche de cohérence, pas de cap – mais tout de même un fil, un 'aimant' général, ce qui est déjà un gros acquis dans l'univers de ces films à postures. Il y a la maison, le type et son entourage ; ses relations avec leur 'ancien' monde, de Mexico ; les temps mondains, eux en couple ou en famille, lui à discuter avec son commis ; les relâchements et rêvasseries.


Des séquences fantaisistes ou injustifiées se greffent là-dedans, comme celle de la douche avec des francophones. D'autres sont carrément stériles et sans grâce (lui au lit déroulant sa litanie). Le film a sa mascotte ; un diable rouge fluorescent (qui relèverait du cinéma de Weerasethakul – Tropical Malady, Oncle Boonmee) dont on ne saura rien, ni e lui ni de son projet. Au lieu d'un éclairage on le verra simplement réapparaître en fin de métrage, pour reprendre sa petite tournée.


D'abord le film fait forte impression avec une longue ouverture cadrant un soir d'orage (avec l'enfant et les chiens) ; il déploiera à nouveau, plusieurs tons en-dessous, cette capacité à trouver la beauté dans le réel, ou simplement aller la chercher – mais pas toujours, la pose, le lâcher-prise stérile et la satisfaction de sidérer ou d'abrutir dominant les tendances plus 'inquisitrices' (ou créatrices). Le déballage est moins intéressant que le décors – il s'ancre, de manière assez 'épaisse' et sporadique, dans la Nature ; on sent la réceptivité dont sont capables les corps inertes et allant avec le courant.


Post Tenebras n'est pas démonstratif et explicatif en dernière instance comme s'y résolvait Lumière silencieuse – libre dans son escapade au pays du pseudo-naturalisme absurde. L'ensemble est à l'image scène au bordel : des détours et des bizarreries pour rien ; un film penchant dans le vide, avec peu à faire exposer et ressentir, de petits pics spectaculaires. Certains vont s'agacer, d'autres rester ouverts, ou dans l'indifférence complaisante. Ils n'auront rien, ou si peu, s'il s'agit de substance, de progression (ou de discours) ; des bribes de ceci ou de cela, des tableaux quelquefois.


https://zogarok.wordpress.com

Créée

le 30 juin 2017

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