Après Prey et Killer of the Killers, on pouvait craindre la redite ou l’essoufflement d’une saga ressuscitée à coups d’idées neuves et de mise en scène viscérale. Mais Predator: Badlands balaie ces doutes d’un revers de griffes. Le réalisateur, fidèle à sa patte nerveuse et sensorielle, signe ici l’opus le plus abouti de cette renaissance. Un film de genre viscéralement cinématographique, où la brutalité et la beauté se répondent, et où chaque plan semble forgé dans la moiteur et la peur.
Le récit s’ouvre sur le repère de 2 Predators sur une planète désolée, asphyxiée, minérale, berceau d’une espèce façonnée par la survie, avant de nous projeter sur une autre terre – une jungle suffocante, indomptable, où la végétation elle-même semble animée d’une hostilité sourde. La transition, presque poétique, raconte à elle seule tout le projet du film : passer du désert à la prolifération, de la stérilité au chaos, de l’ordre à la vie brute. La photographie, somptueuse, capte chaque grain de poussière comme chaque éclat d’humidité, alternant les ocres du jour et les bleus glacés de la nuit. Les décors naturels, d’une ampleur rare, donnent au film un souffle quasi mythologique. Chaque plan respire la menace, chaque silence devient suspens.
Les scènes d’action sont exemplaires de lisibilité et de tension. Ici, pas de montage haché ni d’esbroufe numérique : la caméra épouse le mouvement, glisse entre les arbres, s’arrête sur les regards avant l’impact. On ressent la chair, le poids, la peur, la rage. Le réalisateur retrouve cette précision du geste qu’on lui connaissait déjà, mais la transcende ici : chaque affrontement devient une danse de mort, une chorégraphie organique, presque rituelle, où la violence n’est jamais gratuite, toujours signifiante.
Mais au-delà du spectacle, Badlands s’impose par la densité de son récit et de ses thèmes. Le film parle de la peur de disparaître, du poids du devoir, de la frontière fragile entre humanité et instinct. Le Predator n’est plus seulement un chasseur, il devient le miroir de nos propres ténèbres : la colère, la soif de domination, la vanité destructrice. Le scénario s’offre même le luxe de personnages étonnamment nuancés – y compris chez les non-humains. Elle Fanning, superbe de retenue et de force intérieure mais aussi de bonté et d'humanité, porte le film par son intensité. Autour d’elle, un casting solide donne chair à cette galerie d’êtres partagés entre instinct et morale, entre adaptation et dignité.
À mesure que le récit progresse, les dilemmes s’aiguisent, les alliances se fissurent, et la proie devient chasseur comme tout film de Predator. Le film atteint alors une tension tragique rare, cette fièvre qu’on ne trouve que dans la grande science-fiction, où l’action se teinte de métaphysique. L’humanité s’y redéfinit non plus comme espèce, mais comme choix.
Sur le plan technique, Badlands frôle la perfection. Effets spéciaux précis, maquillages, costumes, bande-son immersive aux accents tribaux et métalliques : tout concourt à créer une expérience sensorielle totale. L’éclairage, souvent en contre-jour ou au crépuscule, sublime les silhouettes et les tensions. Plusieurs plans mériteraient à eux seuls d’être encadrés tant ils captent la beauté du chaos.
Predator: Badlands réconcilie le spectacle et le cinéma, le mythe et la chair, la peur et la contemplation. Un film tendu, organique, somptueux, qui prouve qu’un blockbuster peut encore avoir une âme. J'espère que le métrage trouvera son public et que cela relance la fréquentation dans nos salles qui en ont bien besoin.
J’ai passé en tout cas un superbe moment, totalement happé par cet univers brutal et poétique.
Chapeau bas à l’équipe. La saga Predator n’a jamais paru aussi vivante.
À découvrir !