1979 à Haïfa : dans une cuisine des hommes entourent une femme brune visage fermé et teint pâle, criant et vociférant tandis qu'elle se tait, tout entière absorbée derrière l'écran de fumée de sa cigarette, et on comprend que pour la nième fois ses frères sont venus dire à Viviane tel est son nom, de ne pas quitter son mari, le très croyant et très pieux Eliahou.

Une immersion totale et éprouvante, rien ne nous est épargné, dans cette famille juive séfarade où une femme se bat, épouse et mère, contre l'archaïsme d'une religion, le poids des traditions et un mari qui lui, leur est tout acquis.

Le film vaut surtout par la performance exceptionnelle d'une actrice qui se donne corps et âme à ce personnage de femme qui veut vivre et non plus survivre, exister par elle-même et pour elle même, face à un mari qui s'emmure dans une vie passéiste, fermé sur lui-même, refusant d'évoluer et d'aller de l'avant, pris dans une passivité qui ronge son couple, presque pitoyable devant le déferlement de violence et de douleur qu'il ne comprend pas et qui s'abat sur lui.

Et puis, dans cette explosion de colère hystérique où les instincts les plus primitifs se font jour, un peu de douceur volée au temps: un amour ancien qui revient, souvenir heureux qui ne demande qu'à ressusciter.
Ronit Elkabetz est impressionnante en bête blessée et Simon Abkarian pathétique dans ce personnage du bon juif qui s'abrite derrière les préceptes religieux de bon époux, bon père, bon fils, le sentiment d'injustice et d'incompréhension à son égard s'exprimant dans son regard noyé de larmes tandis qu'il prie à la synagogue.

Une réalisation fortement autobiographique et profondément sincère sur l'incommunicabilité et une charge virulente contre la société juive traditionnelle, parfois très dure et à peine supportable.
Aurea
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le 17 déc. 2011

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