Avec titre, et l'affiche, Godard propose un véritable trompe-l’œil en ne tournant pas une nouvelle version de l'opéra Carmen, mais un film où le personnage s'appelle Carmen. Y a-t-il un rapport ou non, je ne sais pas, le réalisateur s'en amuse avec deux scènes où des personnes sifflent l'air de Bizet.
Il ne faut pas oublier aussi que dans le premier mitan des années 1980, Godard était revenu au cinéma traditionnel, avec sept films consécutifs, qui ont tous eu du succès. Après, la forme est souvent déroutante, le fond aussi, mais ça n'est pas du cinéma comme les autres.


Carmen est une jeune femme venant dans un hôpital psychiatrique rencontrer son oncle joué par Jean-Luc Godard soi-même, car elle veut de lui de l'argent pour un tournage. Bon, jusque là, ça va, d'autant plus qu'il y a une scène amusante où Jean-Pierre Mocky fait un cameo, en incarnant un fou qui hurle "Y a-t-il un Français dans la salle ?". Le tournage commence, elle y croise un jeune homme joué par Jacques Bonnaffé, qui en est très amoureux. Tellement qu'il la kidnappe, l'emmenant avec elle sur les routes.
Donc là, j'ai compris, il y a parfois des moments déroutants, Jacques Villeret qui mange une compote de pommes avec ses doigts en regardant Maruschka Detmers faisant pipi dans un urinoir sur une aire d'autoroute.


Mais après ça, malgré de fugitifs moments de compréhension, j'avoue avoir parfois décroché à plusieurs reprises, entre des apartés de Godard sur chômage, sur la société, une utilisation incessante de la musique de Beethoven avec un petit orchestre qu'on voit à l'écran, sans oublier le travail formel sur l'image et le son, où c'est parfois désynchronisé. J'avoue que c'est un film difficile, mais on ne peut pas nier l'évidente qualité de la mise en scène du réalisateur, où les plans sont par moments d'une grande beauté. Que ce soit une aire d'autoroute, une chambre d'hôtel plongée dans l'obscurité, ou tout simplement le corps de ses deux acteurs, Maruschka Detmers et Jacques Bonnaffé, c'est vraiment beau à voir. Peut-être est-ça qui m'a permis de ne pas décrocher, car je regardais autre chose que le récit.
Godard semble même vouloir provoquer volontairement, à l'image de Maruschka Detmers qui se balade à poil ou Bonnaffé qui se masturbe, mais Prénom Carmen est l'image même du film difficile, qui se mérite, dont on ne comprend pas forcément tout, mais qui marque par la qualité de sa mise en scène. Je comprends du coup son Lion d'Or à Venise, mais ça n'est pas du cinéma que je verrais tout les jours.

Boubakar
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le 25 juil. 2019

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