Un premier plan, une première séquence d’un film contient souvent toute l’essence de celui-ci. Dans Promising Young Woman, nous sommes en plein dedans : des culs en gros plan, des corps sexualisés dansant sur le podium d’une boite de nuit. Pourtant, il ne s’agit pas des femmes dans la vingtaine comme dans la majorité des films. Non, il s’agit d’hommes trentenaires bedonnants, et vulgaires. Dès le début, le ton est donné : dans la forme, les codes seront renversés.


Ainsi, la sexualisation du corps s’effectue exclusivement du côté masculin, et lorsque la réalisatrice Emerald Fennell propose une érotisation de la femme, celui-ci sera toujours feint. Les codes du sous genre « r*pe and revenge » auquel on pourrait relier le film, sont également totalement renversés : lorsqu’un film traditionnel de ce genre montrerait l’agression frontalement et froidement, l’œuvre propose ici de ne la laisser hors champ, seul le son sera proposé conférant ainsi une certaine distance, à la brutalité mais dans le même temps à la victime (dont on n’apprendra finalement que peu de chose tout au long du film). De même, l’accent ne sera jamais mis sur la douleur physique de la victime mais sur la douleur psychologique de la victime collatérale.


Les hommes sont ici montrés sur leur joug le plus abject, et s’ils paraissent sympathiques ou tendres, cela n’est que pour mieux montrer leur côté mauvais par la suite. Même le personnage masculin le plus positif (le père) contredira en permanence et ne soutiendra pas sa femme et sa fille dans les épreuves. Le fait de dépeindre ainsi tous les hommes, peut faire croire à une démarche caricaturale du féminisme. J’y vois plutôt un cynisme aigu : si certains sont punis, nombreux ne le seront pas. Ce cynisme est poussé à son extrême par son dernier quart d’heure, pourtant à la limite de la comédie, où l’on verra que toute victoire n’est obtenue qu’à un prix très élevé, et n’est d’ailleurs qu’une victoire très relative étant donné de l’ampleur du combat. Le film en effet présente une misogynie et une culture de la protection des criminels omniprésente, y compris au sein de la gent féminine : la misogynie est ancrée dans notre monde et n’est pas l’apanage des criminels.
Le souffle féministe contrebalançant cela est porté par la bande son, notamment composée de It’s raining men (porte étendard féministe) et de Toxic dont l’absence des paroles (évoquant pourtant sur les relations toxiques) indique que la libération de la parole des femmes n’est pas quelque chose d’encouragé dans notre société. L’héroïne, souvent iconisée à la manière d’une justicière à la Wonder Woman contribue à porter ce vent de féminisme (d’ailleurs le titre du film « Promising Young Woman » signifie littéralement qu’elle est une Wonder Woman en devenir !!). Ce vent donc est représenté par le jonglage de l’héroïne entre fausse victime et vraie prédatrice. Mais le cynisme du film freine cependant cela par le regard permanent des hommes mal intentionnés parfaitement mis en scène par Emerald Fennell : le personnage principal est notamment filmé devant une déchetterie, reflétant le regard porté par les hommes.


Petit bijou de mise en scène, Promising Young Woman porte en lui à la fois un message fort sur le combat pour le féminisme et une vision presque défaitiste sur l’issue de ce combat.

Créée

le 13 juin 2021

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kristofeur

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