Psychokinesis
5.7
Psychokinesis

Film de Yeon Sang-Ho (2018)

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J'apprécie énormément le cinéma de Sang-Ho YEON donc j'avais plutôt hâte de découvrir son travail sur Psychokinesis. Au final, j'éprouve beaucoup de mal à me faire un avis définitif sur ce film, qui me laisse plutôt mitigée.


Alors, que dire de ce film de super-héros à la sauce coréenne ? Car oui, même si le protagoniste de ce film n'a pas grand chose à voir avec les super-héros Hollywoodiens dont regorge l'industrie cinématographique actuelle, il n'y est pas moins constamment comparé de manière explicite.
Je pense qu'on peut donc sans trop se méprendre voire Psychokinesis comme une relecture coréenne du personnage du super-héros de cinéma.


La particularité du super-héros coréen tel que nous le présente le film, c'est d'être un être social (au sens qu'il fait partie du corps social).
Premièrement, il ne combat pas un archétype du mal ou un "grand méchant"; il livre une lutte pleinement sociale, au nom de petits commerçants expulsés de leurs boutiques. Le héros combat le capitalisme, au sens stricte. On pourrait être tenté de croire que le capitalisme représente, d'un certain point de vue, un archétype du mal. Force est d'admettre cependant que peu de sociétés sont bien placées pour le considérer de la sorte, et que la cause du "héros" en présence est remise en question - par la directrice, une femme sans valeurs, mais qui par-là même souligne avec justesse la particularité du combat de Shin : il se bat pour une cause réelle, pas pour "les gentils", qui en somme n'existent pas en tant qu'absolu, et certainement pas en tant qu'êtres sociaux.
Deuxièmement, le héros coréen est un père de famille. Les héros occidentaux ont parfois des conquêtes, mais très rarement une famille, et c'est rarement pour leur famille qu'ils se battent. Le héros coréen n'a pas ce discernement, ce recul supérieur. Il est un "Monsieur Tout Le Monde". D'autant plus que même en tant que père, il est loin d'être irréprochable.
Troisièmement, le héros coréen ne triomphe pas. Même avec ses supers-pouvoirs, il n'est pas capable de gagner le combat. S'il l'était, ce ne serait que partie remise. Quoi de plus normal ? La cause sociale triomphe rarement - pour ne pas dire jamais.
Finalement, le héros coréen s'en remet à la justice, tout bon citoyen qu'il est. Il lui serait facile d'y échapper - et il l'a déjà fait - mais il accepte d'être traité comme n'importe qui d'autre.


Cela étant posé, il est temps d'en venir au déroulé du film de manière plus précise.
La découverte des pouvoirs se fait de façon rapide. Suffisante, néanmoins, l'apprivoisement des pouvoirs n'étant pas l'enjeu du film.
En découvrant qu'il est doté de capacités surnaturelles, le personnage a une réaction intéressante et plutôt novatrice - parce qu'elle est d'une simplicité ridicule et se rapproche pourtant de l'idée logique qu'une personne lambda aurait en se découvrant de tels pouvoirs - : il décide d'utiliser ses facultés pour faire fortune en tant que magicien. L'idée peut paraître insipide au premier abord. Pourtant, la scène de la cravate est l'une des plus réussies du film et cette perspective aurait vraiment gagné à être creusée : celle d'un personnage dont les capacités extraordinaires ne lui servent finalement qu'à s'intégrer de manière "normale" à la société.


Vous me voyez venir. La suite m'a quelque peu déçue.
Oui, parce que finalement, malgré son projet sensé et ultra-terre-à-terre de devenir magicien, le héros se retrouve pris malgré lui, puis assez volontiers, dans le combat social de sa fille, auquel il prend part de façon de plus en plus directe. Malgré les particularités "coréennes" de ce film, on retombe alors dans un schéma assez classique du type : le héros se sent de plus en plus concerné par la cause d'autrui, met ses pouvoirs au service du "bien" (ou du moins ce qu'il reconnaît comme tel), se heurte à l'incompréhension de certains de ses pairs qui lui mettent des bâtons dans les roues, avant de clore son combat en apothéose sur une belle démonstration de sa puissance. Ce tiers du film, assez fade et décevant, n'est contrebalancé que par la présence de la directrice, qui pour sa part est un personnage un peu trop exubérant...
Certaines personnes seront peut-être gênées par quelques effets spéciaux un peu "cheap". Je les vois personnellement comme une touche décalée voire burlesque, qui a au moins le mérite de désamorcer un peu le côté héroïque du personnage dans cette partie du film.


Le final est plus concluant, parce que le personnage choisit de renoncer à ses pouvoirs le temps que la justice se charge de son sort. Et finalement, face à l'échec de son action héroïque, il réemploie ses facultés psychiques dans la sphère privée (familiale/amicale) pour des tâches banales (servir des bières, par exemple). Une fin qui peut paraître un poil ridicule mais qui met en lumière de manière paradoxale la futilité d'un super-pouvoir face au pouvoir de l'argent, ainsi que le côté proprement "super" de chaque individu - ce qui est "super", ce n'est peut-être pas de faire quelque chose de grandiose, mais peut-être juste d'effectuer quelque chose de banal de façon grandiose, de rendre son propre quotidien hors du commun.


Beaucoup de propositions intéressantes, donc, de la part de Sang-Ho YEON, malheureusement trop peu approfondies pour la plupart. Le film souffre avant tout, de mon point de vue, d'un tiers d'action "classique" extrêmement prévisible et plutôt maladroit.

Rodreamon
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le 16 mai 2018

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Cliffhunter ➳

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