Tarantino, en venant chercher sa palme d'or, se doutait-il que "Pulp Fiction" serait à jamais rangé parmi les films les plus importants de tous les temps ? Peut-être. Peut-être qu'il sentait qu'il avait réussi le coup de maître de réunir tous les ingrédients nécessaires pour plaire aux spectateurs (jeunes et vieux) ET à un jury cannois réputé comme excessivement intransigeant en matière de qualité. Alors, sans pour autant se lancer dans des questionnements du genre "méritait-il ce succès?", qui n'auraient pas lieu d'être, je trouve ça malgré tout légitime de s'interroger sur cet engouement monumental.

J'ai abordé ce film avec tout un tas de préjugés sur le cinéma de Tarantino. Mais j'ai pourtant réussi à le regarder de bon coeur, en laissant de côté du mieux que je pouvais ces idées faites.
Et franchement, ces 2h30 passent vite. Très vite. En même temps, le rythme frénétique de "Pulp Fiction" ne laisse pas vraiment le choix. L'intelligence du film demeure dans la narration non-linéaire et non-chronologique de l'action, sans laquelle ce film aurait été terriblement creux. Sans me risquer à tomber dans le classique "Tout dans la forme, rien dans le fond", il est indéniable que ce n'est pas par l'histoire en elle-même que le film brille. Mais indéniablement, on passe un bon moment. Parce que le film recèle plusieurs petites perles, à commencer par les performances des acteurs. John Travolta et Uma Thurman qui se lancent dans un twist endiablé, c'est un peu LA scène d'anthologie du film. Car tous les deux sont absolument géniaux. Car cette scène est d'une élégance folle. Bref, "Pulp Fiction", c'est la définition même du film efficace.

Mais bon. Tout de même.

"Pulp Fiction" agace. Parce que finalement, Tarantino a compris le truc. Des acteurs en verve, une papardelle de dialogues 7 fois sur 10 insignifiants, un rythme diabolique, des histoires de gangsters qui s'entremêlent, et le tour est joué. Le problème, c'est que même sans enlever au film son côté agréable (c'est là le miracle de l'oeuvre), Tarantino réduit vite ses personnages à des marionnettes, des personnages sans âme, des personnages de surface acteurs d'un spectacle gueulard, violent, presque burlesque par l'absurdité des situations. Car aussi bien les dialogues (ponctués de "fuck" qui commencent à casser sérieusement les burnes au bout d'1h30) que les situations deviennent vite anecdotiques: à force de miser sur la spontanéité, "Pulp Fiction" finit par mener à la saturation, malgré un tas de scènes jubilatoires. On sent bien que Tarantino -ficelles de marionnettes dans une main et caméra dans l'autre- s'éclate. On sent bien que Tarantino ne se prend pas au sérieux, ne prend d'ailleurs pas grand-chose au sérieux, comme en atteste l'image "cool" assez irritante qu'il se donne depuis toujours. Finalement, son talent évident de metteur en scène est mis au service de, disons, la moitié du film. Il parvient aussi à mettre tout le monde d'accord avec notamment une scène finale assez géniale, invitant les plus sceptiques à piocher le tout meilleur pour laisser de côté les conversations sur le sexe oral, les noms des burgers dans les fast-food français, les interminables débats sur les massages de pieds et leurs conséquences, les délires verbaux "cool" et souvent lourds, l'exubérance poussive assumée des trois quarts des scènes.

Alors, voilà, palme d'or ou pas, culte ou pas, ce film est un film comme les autres avec ses qualités et ses défauts. Simplement, même en y trouvant davantage de défauts que de qualités, on se laisse entraîner volontiers dans cette bouillie indigeste mais diablement jubilatoire.
Parce que finalement, avec tout le mal que j'en dis, si j'ai mis 6/10 à "Pulp Fiction", c'est que Tarantino a plutôt bien réussi son truc non ?
HugoLRD
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le 29 mai 2014

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HugoLRD

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