De l'art de la maîtrise du pet chevrotine

N’importe quel pétomane averti vous le dira, le pet en spray (ou chevrotine) est parmi les plus difficiles à maîtriser. En effet, de par sa nature intrinsèque à s’éparpiller, il requiert une maîtrise complète des abdominaux, des sphincters et de l’anus ainsi qu'une concentration rigoureuse, le moindre écart pouvant transformer l’exercice en pet « vaseux », ce vent immonde dont les résidus indiquent qu’il est déjà trop tard.


« C’est un peu comme le saut à ski » nous confiait Riton, finaliste du concours de pet de l’an dernier. « Il est facile de se la jouer avec des figures improbables dans les airs mais il est bien plus dur de ne pas repeindre le slip en fin de route. Et le jury est toujours catégorique : " la moindre trace de frein c'est moins deux points " ».


Ainsi, la grosse majorité des films possède une structure linéaire, synonyme de pet « commun », plus facile sans doute à maîtriser. On saupoudre le métrage de quelques vents trompettes voire déchireurs afin de garder l'audience attentive, on tente souvent une petite percée dans le final au risque d'effrayer le caleçon mais globalement, c’est simple et ça fonctionne : les slips restent immaculés et l’audience repart, satisfaite.
Pourtant, certains auteurs, ambitieux et sans doute un peu casse-cou, s’essaient régulièrement à l’exercice du pet en spray, tel Tarantino dans Pulp Fiction, palme d’or 1994.


Décomposant son intrigue en mini-histoires dont les personnages s’entrechoquent de manière très fluide, Tarantino déstructure le récit grâce à des scènes toutes plus surprenantes les unes que les autres, ces dernières étant servies par des dialogues superbement écrits et bien dosés, donnant ainsi le tempo d’une sarabande jubilatoire où l’on serait bien en peine de deviner la conclusion. C’est d’ailleurs exactement ce que l’on demande au pet typé spray, à savoir se répandre partout par petits bouts, tout en gardant une cohérence formelle et narrative.


À ce jeu, les acteurs sont impériaux. De John Travolta, expert du pet serein à Bruce Willis, en victime des pets impromptus, tout en passant par Samuel L. Jackson, roi du pet moral et Harvey Keitel, maître du pet type « chef de projet », avec mention spéciale à Uma Thurman, héroïne du pet festif, tout le monde s’amuse comme un petit fou et l’on découvre soudain que le pet chevrotine maîtrisé peut tout à fait se donner des airs de pets symphoniques, marque indiscutable des chefs d’œuvre.


Puisqu’il se permet de ventiler tous les arpèges possibles, le succès de ce type de pet est-il justement de passer par l’hommage appuyé aux pets typés : en récupérer le sel mais sans hésiter à en exploser les barrières ? La réponse semble être oui et Tarantino en donnera d’ailleurs une preuve encore plus flagrante dans Kill Bill, son opus le plus libre, qui voit un mélange improbable de genres donner naissance à une œuvre décomplexée et jouissive.


Violence jamais racoleuse car désamorcée par le burlesque, mise en scène discrète et inspirée (voir toute la confrontation Bruce Willis / Ving Rhames pour comprendre que l’action ne doit pas forcément passer par des mouvements de caméras épileptiques), bande son exceptionnelle, scénario que l’on prendra plaisir à redécouvrir, Pulp Fiction cumule les points d’excellence et transforme finalement l’essai en œuvre d’art, écrasant d’autres exemples de pet en spray (True Romance, Snatch, Tueurs nés,…) par sa générosité et son sens du spectacle intelligent.


On en ressort grandi, le caleçon étonnamment propre et les naseaux satisfaits. Bravo !

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le 7 avr. 2015

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HenriQuatre

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