Les sorcières reviennent cycliquement au cinéma, maléfiques (Evanouis) ou libératrice (chez Bertrand Mandico parce que c'est la référence qui me vient là). Ici on est dans la tendance libératrice, car si Nawojka n'a pas choisi d'être sorcière, c'est tout de même son destin et son identité. Mais ce n'est pas pour autant un film d'épouvante, car rien dans l'image ou dans le récit ne va sérieusement du côté de l'épouvante, tout au plus du malaise.
Dans un coin paumée de Vendée (à la lecture des plaques), Nawojka tient une ferme avec son père, très digne en Polonais venu travailler en France, et ses frères, très beaufs mais c'est comme ça. Elle est attirée par la voisine venue vider la maison de ses parents, mystérieuse et rebelle forcément car il faut que la voisine soit rebelle et mystérieuse pour qu'on ait envie de se la taper (bof).
L'adversité s'en mêle : les vaches sont malades d'un mal qui reste inconnu ; Nawojka déploie un don/ une malédiction qu'elle ne contrôle pas, et qui échappe assez largement au spectateur hormis un gri-gri dont on ne saisit pas exactement d'où il sort ni pourquoi ; les bouseux du coin vétérinaire compris ont bien envie de l'aider à découvrir son corps et c'est juste glauque. Cette présentation un peu à l'emporte pièce, je l'admet, pour signaler que le film propose de suivre beaucoup de pistes, mais prend un plaisir malin ou maladroit à ne pas le faire.
On ne saura jamais quelle est cette sorcellerie dont Nawojka est porteuse, ni de quoi les vaches souffrent. On ne voit pas pourquoi la voisine se pointe au mariage où personne ne veut d'elle, ni pourquoi au lieu de se tirer à la fin elle va se planquer dans l'étable avec sa lampe torche, comme si les autres personnages étaient stupides en plus d'être des ploucs. Enfin, entre l'interminable séquence du mariage "à la polonaise", celle de la tentative de viol par les péquenauds dont on pouvais facilement se passer et la mort un peu portnawak de Sandra ("c'est un accident", "c'est un incendie qui vient de la forêt", version variable réglée en deux plans par les assassins), il y a un problème de solidité de l'écriture.
Il y a donc pas mal de choses qui ne sont pas (très) écrites et finissent par être gênantes à force de ne pas avancer ni aboutir. Je reste également de marbre voire un peu interdit devant l'image véhiculée du monde rural qui tient un peu de la haine des campagnes qu'on trouve dans le cinéma des années 1980, bref qui semble datée depuis Petit paysan. Enfin le discours sur l'indépendance de la femme qui accepte son côté sorcière est hyper téléphoné depuis la première séquence, et rend d'autant plus embêtant que rien d'autre ne structure un peu le récit.
Reste une photographie vraiment pas mal – Simon Beaufils fait du bon travail pour essayer de soulever un peu le récit en travaillant l'ambiance visuelle et le cadre. Mais ce n'est pas pas suffisant pour épargner une certaine dose d'ennui.