Pour son premier film, Mike Nichols transpose à l'écran la célèbre pièce d'Edward Albee. C'est quasiment du huis-clos et c'est certainement une adaptation du théâtre mais la mise en scène est d'une telle splendeur qu'on ne s'en aperçoit même pas. Le noir et blanc est sublime et surtout Nichols joue merveilleusement avec les cadrages et les valeurs de plan pour en dire long sur les relations de ses quatre personnages. Deux couples et quelques verres d'alcool et c'est toute la bienséance qui part à vau-l'eau. D'un côté il y a George et Martha qui s'aiment et se méprisent tout en ne cessant de se rabaisser et de se blesser mutuellement. Et de l'autre côté, il y a Nick et Honey, jeune couple aux allures sages qui vont mettre les pieds dans la tempête créée par George et Martha pour ne pas en sortir indemnes. C'est un film qui ne montre rien de plus que de violentes disputes conjugales avec toutes les bassesses qui vont avec et c'est une œuvre noire, féroce, sertie de répliques grinçantes qui appuient là où ça fait mal. Forcément, Elizabeth Taylor est magistrale dans ce rôle de garce pour lequel elle a pris quelques kilos. Elle hurle, se montrant plus harpie que jamais face à un Richard Burton dans sa plus grande forme, en professeur cynique et minable. George Segal et Sandy Dennis ne sont pas en reste, offrant des seconds rôles troubles, mais ils sont tout de même éclipsés par deux monstres d'acteurs qui s'en donnent à cœur joie, se balançant les pires atrocités à la figure. C'est très très bien écrit et ça ne pardonne pas, faisant de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" un petit bijou cinglant, nous renvoyant à la figure notre propre humanité.