Alexandru Belc brosse un beau portrait de la jeunesse roumaine à l’époque Ceausescu. Une jeunesse empêchée mais qui veut s’amuser. Bref, une génération en quête de liberté à l’époque des radios libres. Le réalisateur témoigne d’une vraie maîtrise et d’un sens visuel pour cette peinture de groupe, de société et de régime politique.

Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Un soir, elle rejoint ses amis à une fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission musicale que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie. C’est alors que débarque la police secrète de Ceausescu, la Securitate.

Belc montre une jeunesse roumaine qui vit dans une certaine insouciance, qui souhaite s’affranchir du régime politique répressif de Ceausescu. Ou en tout cas, elle essaie de passer outre. Cette génération veut s'amuser, s'aimer. Elle écoute une radio pirate et est avide de liberté. On n'est pas sérieux quand on a 17 ans disait Arthur Rimbaud. C’est particulièrement vrai pour ces jeunes. Les enjeux de leur vie semblent être leurs relations sentimentales, leur première fois. Le futur se limite à l’imminent baccalauréat. Ils vivent dans une bulle et ne semblent pas avoir conscience des dangers qu’ils encourent. Evidemment, la réalité s’efforcera de les ramener sur terre et fracassera cette bulle, trop tranquille pour être réelle.

Quand la Securitate intervient, l’ambiance du film change radicalement. L’insouciance laisse sa place à l’inquiétude. L’image, auparavant aux teintes chaudes, devient blanchâtre. Le film devient anxiogène. Le cinéaste roumain montre de manière implacable et avec une vraie maîtrise l’absurdité de la politique de répression. Le groupe se retrouve dans un des locaux de la Securitate, une sorte de salle de classe où assis comme pour un cours, ils doivent dénoncer leur camarade sur papier. Alexandru Belc montre l’envers du décors de la police politique roumaine, qui traque les dissidents et qui glane des informations grâce à la dénonciation. On voit jusqu’où elle est capable d’aller. Punir des jeunes dont le seul crime est d’avoir voulu écrire une lettre à une radio libre et ce, juste pour l’exemple.

Ce que le film souligne également, c’est le confit de génération. Les parents semblent plus lucides que leurs enfants. Ainsi, quand Ana se voit interdite de sortie par sa mère, elle voit ça comme une énième atteinte de sa part à sa liberté à elle. On comprend au fil du film que ce n’était pas seulement pour ça. Mais la génération des parents pense qu'il faut accepter et céder à l'autorité. Face à elle, jeune génération se rebelle, défie l'autorité et tente de se battre. Avant de laisser tomber, face à la puissance du régime. La réaction du colonel de la Securitate qui interroge l’héroïne est étrange. Il semble lui dire de laisser tomber car ça ne vaut pas la peine et de se sauver au détriment de son ami. Alors que c’est lui qui fait pression sur elle.

Le personnage d’Ana est très bien écrit. On est sans arrêt en empathie avec elle et pourtant, elle est pleine d’ambiguïté. Elle refuse en premier lieu de céder à la pression de la Securitate au nom de ses amis, et pourtant capitulera pour sauver son avenir. Par ailleurs, elle ne saura se défaire de son petit ami qu’elle aime encore, bien qu’il les ait dénoncés à la police.

Pour son premier long-métrage de fiction, Alexandru Belc témoigne d’un vrai savoir-faire. Il sait filmer les scènes de groupes, de danses. Sa mise en image est très chromatique. Plutôt sombre pour la scène de fête, puis beaucoup plus froide quand il s’agit de l’interrogatoire. Le cinéaste maîtrise ses ambiances. Il montre aussi bien l’angoisse d’un interrogatoire que la fougue de cette jeunesse qu’on veut taire mais qui veut s’affirmer. ‘Radio Metronom’ est une belle réussite qu’il ne faudrait pas louper.

Noel_Astoc
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le 20 févr. 2023

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