J'ai pas mal de sympathie pour le premier opus des aventures de Ralph, méchant de jeu vidéo rétro désirant échapper à sa condition. Sans doute car je fais partie du public ciblé car les jeux vidéos qui y sont représentés font vibrer ma corde nostalgique, mais aussi parce que même en dehors de ses (parfois trop lourdes) références, il raconte une histoire qui se tient, accessible à tous et présente des personnages naïfs mais sympathiques. Globalement, je suis très bon public, et j'accepte avec bienveillance un film bourré de défauts à partir du moment où il donne l'impression d'être sincère.
J'ai donc été voir cette suite, qui m'a laissé un gout amer à bien des égards. Bien que je ne sois pas habitué à rédiger des critiques, je vais essayer de faire une synthèse des principales raisons pour lesquelles ce film m'a mis mal à l'aise. Je précise néanmoins que ma seule attente se limitait à trouver un divertissement familial, ce qui peut expliquer mon manque de tolérance à l'égard du film.
Ce qui marche pour le rétro-gaming ne marche pas pour internet
C'est la première chose qui m'a frappé. Présenter une incarnation de personnages avec lesquels nous avons pu jouer lors de notre enfance est forcément sympathique. Présenter une incarnation des entreprises qui dominent le web (google, snapchat, twitter...) de nos jours ne suscite pas le même sentiment. Tout simplement car ces entreprises ne sont pas sympathiques, elle font ce que font les entreprises, utiliser les nouvelles technologie pour gagner de l'argent, et parfois de manière moralement discutable.
Ça ressemble juste à un placement produit, mais puissance 10. Lorsqu'on voit l'incarnation de Tapper à l'écran, ça fait sourire ceux qui connaissent le jeu et qui y ont joué. Lorsque Google est représenté, on a l'impression de se prendre un spot de publicité géant, sans créativité aucune derrière. Comme si l'apparition de cette grosse entreprise devait susciter l'adhésion sur son nom propre.
Représentation des dérives des réseaux modernes
Le film met en scène les aventures de Ralph et de la Princesse Vanellope qui ont pour objectif principal de gagner de l'argent (oui). Pour arriver à leur fins, ils vont user de tous les procédés discutables qui nous pourrissent la vie au quotidien qu'on voit fleurir sur le net : spam, pop-up publicitaire intempestif, achat d'item dans les jeux vidéos, etc.
Sous des airs d'aventure amusante, on à donc une valorisation des mécanismes nocifs susmentionnés au prétexte qu'ils permettent de gagner de l'argent. Je trouve ça assez dingue pour un film qui se veut familial.
Et comble de l'ironie, ils décident de produire des vidéos que Ralph décrit lui même sans réel intérêt (on copie ce qui fait du clic pour avoir des like, même si c'est nul dégradant ou humiliant) pour générer du profit, ce qui ne peut qu'alerter le spectateur sur la teneur de ce qu'il regarde lui-même...
Représentation du spectateur / consommateur
Puisqu'on en parle, le spectateur dans ce film est systématiquement réduit à sa condition de consommateur. Il est manipulable, n'a aucun esprit critique sur ce qu'il regarde, se lasse de ce qui n'est pas nouveaux. Il n'est là que pour liker et générer de l'argent. C'est une représentation du public qui voulait peut-être se montrer subversive, mais elle est très maladroite quand c'est l'industrie du spectacle elle-même qui la présente.
Le film essaie de se rendre sympathique en évoquant des usages que peut avoir le spectateur (qui n'a jamais regardé une vidéo de chat idiote sur youtube?) avant de l'incarner à l'écran comme un gros mollusque débile. C'est une démarche tellement maladroite qu'elle en devient presque insultante.
Cynisme envers le public
Enfin, le plus gros point noir de ce film, c'est qu'il est impossible de comprendre à qui il veut s'adresser. Le premier s'adressait très clairement aux enfants, et au grand public ayant une accointance (même lointaine) avec les jeux vidéos.
Dans celui-ci, on abandonne les sentiers traditionnellement chers à Disney (les bons sentiments, la naïveté, les bonnes intentions, le rêve) pour valoriser les trucs "cools" plutôt adolescents (les jeux violents, avec de la pollution, des meurtre et des course de bagnoles, les moyens de gagner de la thunes sur internet avec les like de vidéos, etc). Et en chemin, on va justement se moquer de la ligne traditionnelle, en tournant en dérision les fameuses princesses et autres personnages Disney, mais aussi (et surtout) ceux qui les apprécient.
Les petites filles qui font les tests en ligne pour savoir à quelle princesse elles ressemblent sont présentée comme des petites idiotes naïves incapable de voir les ficelles pourtant énormes qui sont utilisées juste pour les attirer et générer du profit. Les fans de Marvel pour des imbéciles capables d'attendre comme des débiles pendant trois plombes pour pouvoir poser une question à un Groot lui même blasé par l'absurdité de leur démarche.
Et là, c'est vraiment glaçant de cynisme. Car c'est Disney qui produit et réalise ce film, se sert de la sympathie que le public peut avoir pour ses autres personnages pour les attirer en salle, avant de lui afficher ce mépris de l'industrie envers le spectateur.
Lorsque les autres studios avaient fait leur fond de commerce de se moquer de la naïveté des œuvres de Disney, on avait eu avec Raiponce, un réponse à mes yeux assez honorable sur le fait que cette naïveté avait quand même de beaux jours devant elle. Avec ce Ralph, j'ai eu l'impression d'un studio qui se cannibalise lui même reniant son ADN dans un cynisme qu'il espère cool mais qui se révèle être vain la plupart du temps, et parfois insultant.
Alors bien sur, il y a un message sous jacent sur l'amitié, mais pour être honnête il est noyé dans le reste et a bien du mal à paraitre sincère.
Bref, je ne sais pas ce que les auteurs ont voulu faire avec ce film, mais j'ai l'impression que ni les fans de Disney, ni les amateurs de jeux vidéos, ni les usagers réguliers du net, ni les enfants n'y trouvent leur compte. Et donc, pour conclure, je citerai ma plus jeune fille qui après la scène post-générique (celle de la bande-annonce où Ralph gave un lapin de pan-cakes jusqu'à ce qu'il explose) : "Je n'aime pas Ralph, il est méchant". Et moi, si je veux voir du méchant, ben je vais pas chez Disney.