Tout semblait avoir été dit avec John Rambo. Et avec ce long plan terminal où il disparaissait sur le chemin de son ranch, on s'était rendu à l'évidence de ne plus voir ce vétéran brisé, enfant d'une Amérique qui lui avait réservé, il y a plus de trente ans, un drôle d'accueil en guise de remerciement pour son sacrifice.


Sylvester Stallone y avait atteint son état de grâce, renouant, question ambition, avec la qualité de ses premières aventures. Le fait qu'il annonce la mise en chantier de ce Last Blood, alors qu'il avait atteint les soixante dix ans, pouvait laisser perplexe.


Avait-il encore quelque chose dans sa cave qui le taraudait, comme Rocky, son personnage de coeur ?


Peut être, mais il est évident que Rambo : Last Blood ne renoue pas avec les sommets de la série. Sans pour autant démériter, loin de là.


Loin en tous cas du démasticage en règle d'une presse en train de se déchaîner avec une ardeur suspecte. Car bien sûr, avec ce genre de film illustrant le désir débridé et ultra graphique d'une vengeance privée, on a droit aux procès rances en sorcellerie de la bien pensance démocrate, ainsi qu'aux accusations de racisme allant bien dans l'air du temps de la bêtise Trumpienne et ses fixettes anti mexicaines.


En l'état, tout mineur, anachronique et fauché sera-t-il certainement considéré, aura au moins le mérite de donner au spectateur ce qu'il est en droit d'attendre, tout en tenant compte de l'âge de sa figure de proue : burinée, cabossée, l'allure massive et lourde, John Rambo est poussé dans ses derniers retranchements émotionnels et privé des attaches qui lui permettaient de dompter ses instincts, sa part sombre de chien de guerre constamment manipulée. Et dans cet instant ou son monde s'ouvre sous ses pieds, l'homme se mue en animal sauvage adepte de la loi du talion.


Ainsi qu'en une douleur insondable, une impuissance à protéger celle qui lui était chère. Stade terminal d'une évolution intime sans aucun espoir de retour. Dans un déferlement de violence hargneuse digne du grand final de l'opus précédent.


Sauf que la réalisation sans grand relief a parfois un peu de mal à rendre justice à l'icône, mais si quelques plans charismatiques arrivent malgré tout à se détacher du lot.


Le reste, c'est une vengeance aveugle et obstinée de quelqu'un qui a définitivement perdu pied, se transformant en fantôme dans des tunnels rappelant l'enfer du Vietnam et une idée illusoire d'un apaisement, d'une vie pour une vie, dans un duel exagéré autant que cathartique, littéralement chirurgical, le temps fugace d'un instant trop vite envolé.


Dans un sentiment de pessimisme entêtant allant jusqu'au bout de son absence totale de concessions, tant pour les victimes que pour les bourreaux. Dans l'esprit écorché d'un John brisé, la paix ne sera donc qu'illusion. Et un dernier sang énervé et désespéré pavera donc le chemin d'une ultime aventure honorable, sans pour autant transcender sa mythologie.


Behind_the_Mask, le coeur sur la main.

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le 25 sept. 2019

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