Par Jean-Philippe Tessé

Avant d'essayer d'expliquer en quoi Redacted, ce film mal aimable et choquant, est une date, non seulement dans l'oeuvre de Brian De Palma, mais pour le cinéma tout court, il faut dire d'où il vient, et quelle colère l'a fait tel qui l'est : frontal, brutal, film dont la simplicité fait la complexité (tout arrive). Redacted a deux raisons d'être. L'une est anecdotique : Mark Cuban, un milliardaire qui a fait sa fortune sur Internet, a proposé à De Palma 5 millions de dollars pour tourner un film en HD. Cela tombait bien puisque le cinéaste avait en tête une sorte de documentaire sur la guerre en Irak, qui le révulse (c'est l'autre raison d'être de Redacted la principale), un documentaire composé à partir d'images récupérées sur Internet : devant les difficultés légales d'un tel projet, De Palma a saisi l'occasion offerte par le mécène pour tourner en Jordanie une fiction sur l'Irak, inspirée par les images du web. Telle est la première ambition de Redacted : un violent pamphlet contre l'occupation américaine en Irak, vue par le prisme d'un fait divers atroce, mais bien réel - un crime perpétré par des GI's qui ont violé et tué une fille de 14 ans, avant de massacrer sa famille. Ça vous rappelle quelque chose et c'est normal : Redacted est un remake d'Outrages, vingt ans après. Un remake, parce que l'histoire est têtue, et que d'une guerre à l'autre, rien ne change. Mais si Outrages sacrifiait encore à une certaine logique du spectacle du film de guerre comme genre, Redacted n'en a cure - d'ailleurs le film a à peine été montré outre-Atlantique, ce qui ne l'a pas empêché de susciter des réactions parfois incroyablement hostiles.

Le pamphlet est brutal (pas de circonstances atténuantes pour les criminels, des white trash emblématiques, pour De Palma, de l'imbécillité au pouvoir aux Etats-Unis), et cela lui sera reproché, tant le film joue une certaine surenchère et s'épargne toute mise en perspective - l'Irak comme problème s'effaçant derrière l'horreur du fait divers. C'est justement cette frontalité qui foudroie ici, car elle s'adosse à une rhétorique de cinéma inédite chez De Palma. Elle est toutefois contrebalancée immédiatement par le film lui-même qui, ne s'avançant pas masqué, ne se parant d'aucune ambiguïté, montre tout de même, dans son jusqu'au-boutisme, une double face : le récit linéaire d'un événement tragique est aussi une satire grossière et grotesque avec gags (l'enlèvement live du bidasse) et carnaval (l'invraisemblable scène du canard), qui cogne son idiotie à la bêtise de ce qu'elle montre. Qu'est-ce qui est idiot, dans Redacted ? La rhétorique du film, précisément. Non qu'elle serait stupide, au contraire, elle est suprêmement intelligente. (...)

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Chro
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le 8 avr. 2014

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