Relic est, à l’instar You Should Have Left sorti il y a peu (David Koepp, 2020) ou de The Glass House (Daniel Sackheim, 2000), une œuvre qui pense l’épouvante intime par le prisme de la maison. Les hématomes que porte Edna se reportent à l’identique sur les murs de la vieille bâtisse, de vastes taches noires qui semblent gagner en taille à mesure que le temps passe ; le spectre de la mort se cache sous le lit comme une préfiguration de la chute et de la décomposition.


L’entièreté du long métrage, régie par l’idée de dégradation, prend l’aspect d’une vanité tout droit sortie du XVIe siècle : on pense beaucoup aux Trois Âges et la Mort du peintre Hans Baldung qui représentait, de la gauche vers la droite, la même femme saisie à trois âges différents de son existence et apparaissant sous la forme d’une jeune femme, d’une vieillarde, d’un squelette enfin. Une vanité qui se rejoue ici dans la lente destruction de l’édifice familial qui n’abrite plus que les fantômes des gens qui y vécurent autrefois. « Où est tout le monde ? », demande Edna, apeurée. Compilé dans un album photo, que l’on enfouit sous la terre dans l’espoir de lui faire prendre racine, de ressusciter la galerie de clichés qu’il contient. Tout, des vieux vinyles dansés au vitrail ornant la porte d’entrée, semble vieillir avec le personnage et ne plus rien signifier sinon l’angoisse d’une disparition.


La maison devient un espace jumelé entre le diurne et le nocturne, écartelé entre des visites pleines de promesses et la langueur désespérante du temps qui s’y passe ; les pièces se redoublent, le placard devient une pièce qui elle-même ouvre sur un couloir, comme dans le miroir dans la véritable maison ; c’est là que Sam partage, tel un cauchemar duquel elle parvient à s’extraire, l’agonie de sa grand-mère, les troubles de perception, les confusions, les mirages, une paranoïa qui va croissante à mesure qu’elle perd ses repères et étouffe entre des murs toujours plus proches. C’est cette approche métaphorique de la décrépitude qui confère à Relic son intérêt : il se plaît à convoquer une esthétique qui définit aujourd’hui le genre de l’épouvante pour mieux la détourner et la vider de ses artifices, y greffer ensuite une thématique inattendue et forte.


Néanmoins, cet intérêt ne saurait pallier l’aspect plan-plan d’un film qui se complaît quelque peu dans la dégradation qu’il met en scène, au point de s’appesantir lourdement sur les situations et d’appuyer ses symboliques. Nous reprocherons également un formalisme ampoulé qui se repaît des postures incongrues et répétitives adoptées par ses personnages, rappelant la démarche stérile d’un Ari Aster… Reste une curiosité intelligente et originale.

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le 24 nov. 2020

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