Sortie en plein cœur des années 80, premier grand rôle de Juliette Binoche, prix de la mise en scène au Festival de Cannes, Rendez-vous d’André Téchiné est un poison pour tous les protagonistes du long métrage. Entre conquête difficile de la vie de bohème, érotisation du corps malmené, vie rêvée, voici une œuvre particulièrement imprégnée par la notion d’auteur, où les suicidaires sont humiliants et fantomatiques, et où les vertueux ne le sont plus à moyen terme. Le désir de la chair peut déclencher une frustration. La frustration, une obsession. Et l’obsession, une déperdition.
Passion destructrice, élan suicidaire, théâtre et mise en scène de soi, initiation féminine par l’utilisation des corps, Rendez-vous utilise plusieurs thèmes dans un souci de synthèse et d’articulation (la durée du film n’excède pas 1 h 20). Quête initiatique dans un Paris nocturne et troublé : le long métrage casse quelques codes moraux qui sont caractéristiques de cette époque.
Du pluralisme sexuel à la quête perdue du grand amour
La façon d’anticiper, de concevoir la vie avec ergonomie dépend de plusieurs facteurs : respect de la vie privée, de l’intimité, connaissance fine de l’être humain, accomplissement de soi, stabilité psychologique, réussite, sexualité, amour, etc.
Des trois personnages principaux, ces éléments leur font plus ou moins défaut, et les mènent jusqu’au bout d’eux-mêmes.
Juliette Binoche, d’abord, éblouissante (Nina). Elle sort de sa province pour Paris afin d’accéder à son rêve : devenir actrice, en débutant dans le théâtre. Son comportement volage, son papillonnage, ses élans de vie spontanés laissent vite place à des états de crise, des doutes perpétuels. Son instabilité vient de l’attitude de son amant, Quentin (Lambert Wilson) suicidaire, humiliant, puis fantomatique. Amoureuse, elle est victime du syndrome du sauveur. Quentin se laisse volontairement agresser dans la rue sans se défendre. Il y a une désinvolture morbide entre Nina et Quentin.
– Répète-moi que tu ne m’aideras pas.
Ce dernier est à la fois vivant (provocant, plein d’énergie) et presque mort (son âme s’éteint.) Son suicide rapprochera Nina de sa première rencontre, Paulot (Wadeck Stanczak), trop gentil pour être attirant, pudique, sensible, etc. Mais il sera pour elle la promesse d’un refuge, malgré un dénouement difficile.
Scrutzler, enfin, interprété par Jean-Louis Trintignant, incarne un metteur en scène qui a foi en Nina pour jouer dans la pièce la plus célèbre de Shakespeare, Roméo et Juliette. Ce dernier possède une autorité douce et sera comme une figure paternelle.
–Tu devrais faire l’amour
-Avec Paulot ? Il est gentil, mais ça ne suffit pas.
Le théâtre : un ailleurs à soi difficile
L’art peut être une échappatoire, permettre de sortir du réel, devenir un purgatoire, son centre de gravité, un ailleurs à soi. Rongée par des conflits intérieurs, Nina a besoin d’un choc salvateur pour continuer à croire en son rêve, perturbé par sa vie personnelle. Roméo et Juliette est comme en écho à son passé avec Quentin, qui avait joué dans cette même pièce. En ce sens, c’est aussi une mise en danger dans son ascension sociale.
Mise en scène vivante, minimalisme sonore
Contribuant à la réussite formelle du film, la caméra est nerveuse pendant les moments de crise et au plus près des acteurs, pour favoriser l’intimité. Les décors urbains traduisent les conflits et l’errance des personnages. La photographie profite de jeux d’ombres et de lumières, avec des contrastes forts. La musique, peu présente, met à nu les dialogues. Lorsqu’elle est utilisée, elle est orchestrale, majestueuse, et souligne des éléments clefs et déterminants qui parsèment le récit.
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Je suis désolé de ne pas pouvoir vous partager la critique entièrement sur SC.