La peur selon Jacques Tourneur.
Rendez-vous avec la peur fait partie de ces films dits maudits, car leurs producteurs ont mis leurs sales pattes dessus, et ont réalisé derrière le dos de Tourneur une autre version, destinée aux Etats-Unis, plus courte, et plus suggestive sur la notion de la peur. La version dite intégrale (celle que j'ai vu) n'a pas été épargnée non plus, mais à moindre échelle, j'en parlerais plus tard.
Le film raconte le traitement de la peur, sous la forme d'une enquête d'un psy, provenant d'Amérique, qui a appris qu'un de ses amis est mort en Angleterre de façon mystérieuse. Il va ainsi rencontrer de fil en aiguille des médecins persuadés qu'il y a une vie au-delà de la mort, et qu'on peut communiquer avec les défunts. Mais avant tout, le film parle de la peur, suggérée soit par des présences via des ombres, des animaux, ou de la fumée qui suggérerait la présence d'un démon en chacun de nous.
Je souhaite être volontairement abscons sur les vrais enjeux du film (qui va plus loin que mes lignes ci-dessus), mais il reste assez surprenant, car réalisé de manière très réussie (très grand travail sur les ombres et les perspectives) et avec une distribution formidable avec à sa tête l'excellent Dana Andrews, ainsi que Peggy Cummins (Gun Crazy) et l'étonnant Niall MacGinnis (qui est en quelque sorte le méchant de l'histoire).
Cependant, bien que j'ai aimé le film, il n'est peut-être pas aussi effrayant que ce que suggérait quelqu'un comme Martin Scorsese, qui le classe très haut dans ce qu'il a vu de plus flippant.
Je pense qu'il faut le remettre dans son contexte (fin des années 50), et qu'il joue beaucoup sur la suggestion, sauf sur les apparitions du démon. Dans la version intégrale, c'est le seule élément gardé à contre-coeur par le réalisateur, car il explicite beaucoup plus de choses que le laisse suggérer l'histoire, en plus d'être assez ridicule à l'image.
Cela dit, il donne au film un très beau plan final où un train passe devant une gare, sifflant comme une hurlement strident. Présence ou non du monstre ?
Jacques Tourneur est un réalisateur qui s'est baladé dans beaucoup de genres, du fantastique au film noir, en passant par le western, et Rendez-vous avec la peur semble avoir été un projet plus personnel qu'il n'y parait, notamment sur ses croyance vis-à-vis de la mort.
Je parle rarement des éditions des films, mais je recommande fortement celle parue chez Wild Side en 2013, car le blu-ray (et dvd) comprend un livre de près de 150 pages absolument formidable sur le tournage, et qui donne plein de clés de compréhension.