Rentrée des classes
7.7
Rentrée des classes

Court-métrage de Jacques Rozier (1956)

Nov 2009:

Après la violente frustration éprouvée lors du visionnage de Maine Océan, ma découverte de Rozier s'était inscrite sous le sceau de la douleur et j'attendais une bouée de sauvetage. Je cherchais des indices, des éléments contraires sur lesquels me raccrocher afin de distinguer ne serait-ce qu'un seul aspect et rattraper le wagon Rozier que je voyais partir avec amertume vers des contrées lointaines, amen. Et ce petit métrage avec son humble vingtaine de minutes ont particulièrement comblé ces attentes. Ce fut un réel plaisir cinématographique, pour les yeux comme pour le coeur.

A travers les yeux d'un enfant, c'est à une magnifique balade que Rozier nous convie, à travers les ruisseaux, les ruelles d'un petit village provençal et de ses alentours. Un enfant part à la recherche au fil de l'eau de son cartable qu'il a eu la mauvaise idée de balancer à la flotte sur le chemin de l'école.

La description naturaliste et romantique, rousseauiste bien plus encore, qu'on nous offre est de toute beauté. Cigales, vents dans les branches et clapoutis du ruisseau bercent nos oreilles pendant que les ombres et lumières que fait un soleil radieux sur les arbres et les murets de cette superbe campagne calinent nos rétines. Ces évocations champêtres et buissonières ne sont pas sans caresser les souvenirs d'enfance de tout un chacun. Dans cet enfant, il y a forcément ue part de notre mémoire, celle des rêves, des petits plaisirs, celui d'être plongé dans la nature et dans une sorte d'aventure exotique. Le trajet presque onirique que se paye le bambin, je l'ai fait moi même. Remonter un cours d'eau en pataugeant, en nageant entre les grenouilles, les gardons, les serpents et les libellules fait partie de ces moments d'une rare intensité que l'on se remémore facilement avec bonheur. Joli portrait d'enfant qui filme ces échappées libres qu'on volait à l'école, aux parents, à l'ordre, au monde des adultes.

Le passage du film sur l'école est moins enthousiasmant même s'il ne manque pas de charme. Je pense à cette scène où le petit vieux qui a mal aidé son petit-fils à faire ses devoirs se retrouve "puni" parmi les élèves à écouter la leçon du maître. Cette deuxième partie du film est très proche de l'esprit Zéro de conduite de Vigo.

Je retiendrai surtout le très joli travail sur la photographie : les premières images montrant les enfants allant à l'école et les étroites ruelles du matin qui s'égaillent m'ont fait penser à l'école humaniste de Doisneau, Ronis ou Boubat. Alors que la photographie dans les scènes en pleine nature, beaucoup plus éclairée avec des lumièrres crues et vives nous fait plutôt songer à la peinture impressionniste.

Vraiment magnifique.

PS. A noter la participation de Paul Préboist en post-synchro pour doubler l'instituteur.
Alligator
9
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le 30 mars 2013

Critique lue 592 fois

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Alligator

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