Amour tragique sur fond de Guerre de Sécession.Inévitablement,on pense à "Autant en emporte le vent",mais "Cold Mountain" ressemble surtout à un film réalisé sept ans auparavant par le même,et regretté,Anthony Minghella,"Le patient anglais".On substitue à la Deuxième Guerre Mondiale la Guerre de Sécession et on s'aperçoit que l'histoire est à peu près la même.Du moins dans sa structure car les personnages,les péripéties,le cadre,l'époque sont différents.Ce qui est bien normal étant donné que Minghella a adapté deux romans bien distincts,le premier signé Michael Ondaatje et le second Charles Frazier.Disons simplement que le réalisateur-scénariste est un incorrigible romantique attiré par le mélodrame flamboyant baignant dans la cruauté.Le dispositif de départ est identique à celui utilisé dans "Le patient anglais",à savoir des aller-retours passé-présent.Le présent,ce sont les derniers combats de la Guerre de Sécession,shootés dans un mélange de réalisme sordide et de spectaculaire absolument bluffant.Les flashbacks,eux,décrivent l'heureux temps d'avant,lorsque les deux personnages principaux se rencontrent et tombent éperdument amoureux,sans toutefois avoir le loisir de savourer leur idylle puisque le garçon est mobilisé et part guerroyer.Ensuite,à partir du moment où le soldat déserte et s'enfuit de l'hôpital,Minghella opte pour un autre mode de narration et choisit le montage parallèle.Nous suivons donc alternativement le parcours semé d'embûches de l'homme cherchant à regagner Cold Mountain et la difficile survie de sa bien-aimée livrée à elle-même et à la misère dans un monde déliquescent devenu très dangereux.Le film n'est pas sans défauts.C'est un peu long et c'est plein de ruptures de ton souvent déconcertantes.On navigue entre violences physiques et morales parfaitement ignobles,épopée mélodramatique larmoyante et aventures picaresques limite comiques.En ce sens,"Le patient anglais" était plus homogène et mieux maîtrisé.Ceci dit,le spectacle n'en est pas moins excellent.La forme,déjà,fait dans le haut niveau.Mouvements d'appareils majestueux,image magnifique,paysages superbes,direction artistique de classe en ce qui concerne les décors,les costumes ou les accessoires,musique parfaitement choisie.Sur le fond,le scénario est tissé de rebondissements incessants qui évacuent l'ennui.C'est d'un moralisme parfois un peu lourd mais il en ressort des éléments très intéressants.Il s'agit bien entendu d'un film résolument anti-belliciste.La guerre y est décrite dans toute son horreur,sans la moindre concession.La mort,les blessures graves,au corps et à l'âme,et surtout l'inutilité et la bêtise foncières de tout ça.Film féministe également.Si les hommes sont décrits comme de grands couillons ravis d'aller au casse-pipe,les femmes,elles,sont les victimes consentantes malgré elles des évènements.Elles font front avec courage et dignité,se battent pour survivre et font preuve de solidarité avec les divers éclopés du conflit.Mais le vrai sujet semble être le comportement humain confronté à des conditions extrêmes.La guerre est un puissant révélateur et les masques tombent,mettant à nu la nature des uns et des autres.Le courage,la lâcheté,la peur,la faim,le froid,ceux qui essaient de rester droits,ceux qui louvoient pour juste s'en sortir,les salopards qui profitent éhontément de la situation,les ordures qui voient là une bonne occasion de laisser libre cours à leurs plus vils instincts.De ce point de vue,le film est très réussi et présente un tableau contrasté d'une humanité aux prises avec la disparition des repères.Et il faut avouer que,ponctuellement,les envolées mélodramatiques font mouche et provoquent l'émotion,même si elles sont un peu vite court-circuitées par des traits d'humour pas forcément pertinents.La distribution est luxueuse,jusque dans les petits rôles.Nicole Kidman et Jude Law incarnent avec talent le couple vedette,bien qu'ils paraissent un peu vieux pour leurs personnages,et parmi la foultitude de grands comédiens les entourant,on peut distinguer l'énergie qu'apportent Renée Zellweger et Philip Seymour Hoffman.