Robin des Bois
7.2
Robin des Bois

Long-métrage d'animation de Wolfgang Reitherman (1973)

De la Fête et du Partage contre la Solitude de la Cupidité

**Wolfgang Reitherman** est le réalisateur des classiques **Disney** de mon enfance, dans lesquels le trait vif d'un crayon léger vient animer avec grâce ces nombreux héros qui ont construit mon imaginaire un temps et m'ont permis d'aller découvrir d'autres films, d'autres contes, d'autres livres. *Robin Hood* fut l'un de ceux-là, vus et revus, et s'y poser avec mes enfants aujourd'hui me procure toujours autant de plaisir malgré le scénario que je redécouvre un peu pauvre et sans grande surprise. Là n'est certes pas sa réussite mais pour autant, le rythme et l'accumulation de séquences drôles en font 


une œuvre de divertissement populaire



plus que respectable, indispensable pour de joyeux moments de partage en famille.


Ici on retrouve le plaisir graphique tout d'abord. Celui de ce dessin si particulier des productions Disney de l'époque sous la houlette de l'immense **Wolfgang Reitherman**, un des seuls réalisateurs de la maison à avoir durablement posé sa patte personnelle sur les films du studio. 


Un dessin vif dans le crayonné, au style immédiatement reconnaissable, des personnages dynamiques



et dont le caractère bonhomme joue idéalement le contraste avec ses vilains – ici moins impitoyables que profondément stupides. Le choix animal accordé à chacun des protagonistes de cette vieille légende d'Angleterre est d'ailleurs incroyablement intelligent : du loup vorace dans le rôle de ce shérif chargé de récolter les taxes au serpent siffleur dont il est évident de se méfier, en passant par l'idiot vautour Niquedouille et l'immature Prince Jean, doudou de lion qui ne peut s'empêcher de sucer son puce à la moindre évocation de sa défunte mère. Tous servent le propos de leur caractère si bien établi en quelques traits bestiaux formidablement humains. Même le frère Tuck, blaireau bien en chair et jovial, cache là son caractère colérique de révolte face à l'injustice avec un contraste saisissant et plaisant. À leurs côtés, le fameux Robin et ses compagnons proposent



un bestiaire aussi riche que l'est l'humanité :



proies faciles et sans défense, coq chanteur, ours bonhomme et jusqu'au rusé renard qu'est le hors-la-loi qui, s'il peut l'éviter, préfère manigancer avec finesse et sans heurt plutôt que d'attaquer de front – sans pour autant s'y défiler quand nécessaire.


Il y a le rythme encore, qui ne s'essouffle jamais. Sur un scénario relativement plat et prévisible, la succession des séquences alterne avec entrain moments de légers suspense, désolations indispensables à la compassion, jeux d'identification renforcée à travers une ribambelle de gamins admiratifs, et 


nombreux gags irrésistibles.



Met parfaitement en lumière l'optimisme inébranlable de ceux qui devraient pourtant se résigner, assommés, saignés, emprisonnés, à leur indigne condition. Tout s'enchaîne avec fluidité et évidence, pas une ellipse ne vient perturber la narration, et chaque scène, dans sa dynamique propre, émerveille de ses implications évidentes et de ses réponses, même sans surprise, apportées à celles qui précèdent. Il y a bien quelques lâchetés dans la tension, quelques passages un peu surfaits, peut-être dispensables – comme cette percussion de la poule de compagnie de Marianne, façon rugby, amusante mais un poil trop longue. Mais pour le grand plaisir des plus jeunes spectateurs, rien n'est réellement superflu.


Dans cette idée, et pour revenir à l'identification, la première séquence de la bien-aimée est un bijou de fausse naïveté qui, en se posant à leur hauteur d'imaginaire et de regard, invite les enfants à comprendre les enjeux romantiques du métrage à travers d'innocents jeux d'enfants justement. Qui dit tout autant les menaces qui pèsent sur le royaume et l'espoir de voir Robin sauver tout le monde que celui de le voir enfin ravir son amour pour le bonheur de toutes et tous. Quelle intelligence !
Production Disney oblige, la musique et les chansons sont évidemment présentes, avec parcimonie cependant, et jouent magnifiquement des influences pop-rock de son époque – on pense aux **Beatles** dans la formation qui anime la nuit de fête – mêlées à la couleur moyenâgeuse de la légende avec une virtuosité appréciable. Si l'on s'éloigne du jazz qui a fait la renommée des studios jusqu'à présent, celui-ci n'est pas tout à fait en reste puisque l'échappée finale y est rythmée, dans la nuit encore, avec talent.


Est-ce que c'est bien de dérober aux riches pour donner aux pauvres
?



Si le film pose cette question en ouverture dans la bouche de Petit Jean qui s'interroge là quant aux briganderies dans lesquelles l'entraîne son compère Robin, jamais il n'y répond réellement et franchement, détournant le propos vers la nécessité de toujours garder l'espoir de jours meilleurs et nous rappelant simplement que bien mal acquis ne profite jamais. Illustrant dans sa splendeur gaie et irrémédiablement positive combien 


la misère matérielle et l'oppression n'empêchent pas le partage de la fête,



n'éteignent ni l'humanité ni l'altruisme, bien au contraire, et ces quelques moments d'insouciance et de bonheur viennent ainsi confirmer qu'il est essentiel de savoir toujours, malgré les difficultés, garder cet espoir du soleil après la nuit car tout refleurit en son temps.


Un dessin-animé qui a bercé mon enfance d'innombrables visions, peut-être même un de ceux que j'ai le plus dévoré, *Robin Hood* parle à son public de bambins sans détour et célèbre la solidarité face aux cupides adversités, présente sans honte 


l'arrogance et l'avidité comme les pires ignorances qui soient,



ne pouvant mener qu'aux travaux forcés. Wolfgang Reitherman ne fait certes pas aussi fin et engagé qu'avec d'autres œuvres – et je pense là à 101 Dalmatians – mais livre un opus simple et efficace autour d'une légende que personne n'ignore, entre farce mignonne et morale d'optimiste humanité qui chante



le vivre-ensemble bienveillant, l'altruisme et la conscience heureuse du partage.



Et si je comprends aujourd'hui combien dans l'identification au renard j'ai planté les bases de ce qui m'amène à haïr l'injustice et l'inégalité, je m'interroge quant à notre jeune président – nous sommes nés la même année – et ce qu'il en a retenu : cet insupportable aigri de Prince Jean était-il son héros pour qu'il applique aujourd'hui sans sourciller son programme de



dérober aux pauvres pour nourrir les riches.


Créée

le 4 mars 2018

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