Le retour à la vie à travers les yeux de Jack

Room sort enfin sur nos écrans. Le long-métrage a eu quatre nominations aux ocars : Meilleur film, réalisateur, scénario adapté et actrice. Il repartira avec une seule statuette, celle remportée par Brie Larson pour sa performance dans ce film poignant. Le sujet est difficile, mais le réalisateur Lenny Abrahamson évite les facilités et livre une oeuvre éprouvante et émouvante.


Emma Donoghue adapte elle-même son roman homonyme. Elle raconte la "vie" entre quatre murs d'une mère Joy (Brie Larson) et de son fils Jack (Jacob Tremblay), né en ce lieu sordide et qui vient d'avoir cinq ans. Ils sont séquestrés par Méchant Nick (Sean Bridgers). Sept ans auparavant, il a kidnappé Joy. Jack est son fils, mais ils n'ont aucun contact. Joy protège son fils de ce prédateur et va tout faire pour lui permettre de fuir cet enfer sur terre.


Elisabeth Fritzl, Jaycee Lee Dugard et Natasha Kampush, entre autres. Le personnage de Joy (Brie Larson) s'inspire de ces femmes séquestrées et violentées, avant de retrouver une certaine liberté. On va découvrir son quotidien dans cette pièce où un velux hors de portée, apporte un peu de lumière. Elle tente d'élever de son mieux son fils, en lui racontant diverses fables sur l'univers qui les entoure. Mais c'est difficile de vivre, sans une seule seconde de répit, à deux dans la seule et même pièce. Au contraire, un lien puissant s'est installé entre eux, au point d'éclipser la paternité de ce soi-disant être humain. On est rapidement en empathie pour eux et on espère de tout cœur, les voir fuir cet endroit. Nous sommes comme eux, on ne sait pas où ils se trouvent. On voit le monde à travers leurs yeux. Un monde que Jack n'a jamais vu, sauf à travers le téléviseur. Sa mère a décidé de lui cacher la vérité, pour le protéger, mais il est temps pour lui de découvrir la réalité des faits.


L'évasion est une surprise. Je m'attendais à vivre durant près de deux heures dans cette pièce. Le huis-clos se transforme en un autre huis-clos. On passe d'une prison à une autre. Mais surtout, il y a celle qui existe dans leurs esprits. On ne ressort pas indemne d'une si longue captivité. Il faut affronter le regard des gens et celui des médias. Jack renaît le jour de sa sortie. Il découvre un nouveau monde à travers ses yeux et ses doigts. Il ressemble à l'enfant sauvage de François Truffaut. Joy connait ce monde et sa douleur se trouve ailleurs, dans les années perdues. Méchant Nick lui a volé sa vie et jamais, elle ne pourra rattraper ce temps perdu. Sa disparition a eu des conséquences sur sa famille et même son retour, n'apaise pas les rancœurs. On ne s'attend pas aux diverses réactions qui vont avoir lieu. Je suis à nouveau surpris. Autant la première fois, c'était dans le bons sens. Autant là, c'est par l'être humain et son incapacité à comprendre, au lieu de juger. C'est extrêmement violent. Cela s'exprime par des regards et des mots, à croire que Joy et Jack n'auront jamais l'opportunité de vivre sereinement.


Un film en deux actes : la séquestration et la liberté. Le premier acte est éprouvant, même si les réflexions de Jack, permettent parfois de sourire. L'évasion est un peu facile, mais peu importe. Le but est surtout de découvrir la vie pendant et après la séquestration, de voir l'évolution des rapports entre la mère et le fils, mais aussi avec sa famille. La reconstruction est tout aussi difficile. Jack nous raconte à sa manière, une certaine vision de ce monde en voix-off. Cela compense son incapacité à communiquer avec d'autres personnes. On a chamboulé son univers et il a besoin d'un soutien psychologique pour s'ouvrir à ce nouveau monde, tout comme sa mère. C'est intéressant de découvrir cette période. Elle est rarement mise en scène. Les rares films qui abordent le sujet, prennent fin lors de la libération avec des sourires et des larmes. On tente de nous faire croire, que la liberté va les rendre heureux. Mais la réalité est toute autre. Il faut se reconstruire, après avoir vécu couper du monde durant des années. Il faut traiter les séquelles psychologiques et affronter le regard de ceux qui savent et pensent pouvoir agir mieux que vous.


L'oscar pour Brie Larson. Elle est convaincante en mère protectrice et fragile. Pour autant, son oscar me semble un brin excessif, surtout face à la prestation de Cate Blanchett dans Carol. Puis, on est surtout impressionné par le jeune Jacob Tremblay. Après, ils forment un duo indissociable, l'un se nourrissant de l'autre et c'est difficile d'en vouloir aux votants de choisir cette jeune actrice talentueuse. Grâce à ce film, le monde est entrain de la découvrir. Il faut dire qu'elle n'a pas pris la voie de la facilité, comme ses autres camarades Jennifer Lawrence et Shailene Woodley, qui sont à la tête de franchise à succès Hunger Games et Divergente. Elle était surtout cantonnée à des seconds rôles, comme dans la série United States of Tara, puis les films 21, Jump Street, Don Jon et The Spectacular Now (dont le premier rôle est tenu par Shaleine Woodley). Avant d'avoir le premier rôle dans States of Grace et d'obtenir de nombreuses récompenses pour sa prestation dans divers festivals. Le talent était là depuis le début et son rôle dans Room, lui permet d'exploser à la face du monde, pour mon plus grand plaisir.


Le réalisateur Lenny Abrahamson, ne m'avait pas convaincu avecFrank. Il s'en sort mieux avec Room, surtout dans les espaces confinés. Il semble moins à l'aise, dès que l'action s'emballe et s’embarrasse d'effets superflus. Néanmoins, le film se jouant surtout entre la pièce et la maison familiale, il réussit à briller dans sa gestion de l'espace, tout en tirant le meilleur de son casting. Le petit Jacob Tremblay est une belle découverte, même s'il commence déjà à taper sur les nerfs, lors de ses interviews. On verra s'il va suivre la voie des Haley Joel Osment, Macaulay Culkin et Henry Thomas, où celle de Leonardo DiCaprio, Michael B. Jordan et Joseph Gordon-levitt.


L'émotion est forte face aux épreuves que vont devoir affronter cette mère et son fils. On ne ressort pas de la séance avec le sourire aux lèvres, mais avec un sentiment de mal-être indéfinissable. On pense à ces prédateurs qui errent sur notre terre et peuvent à tout moment, détruire une vie. Une oeuvre qui ne laisse pas indifférent et colle à la peau.

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le 11 mars 2016

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Laurent Doe

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