Adapté du même roman de Stephen King, le film de Paul Glaser en 1987 avec Schwarzenegger était loin d'être un chef-d'œuvre, mais il avait le mérite de dépeindre un futur dystopique glaçant, qui en faisait une satire sociale grinçante sur la manipulation des médias et les dérives du divertissement populaire, opium du peuple et tutti quanti.
Avec sa trilogie Cornetto (Shaun of the Dead, Hot Fuzz et The World's End, tous les trois excellents), Edgar Wright s'est propulsé dans le palmarès de mes réalisateurs préférés, une tendance qui s'est confirmée avec l'incroyable "Scott Pilgrim" (un film qui réussit à briller malgré Michael Cera dans le rôle principal est réel miracle), "Baby Driver", et même le moins mémorable "Last Night in Soho". J'étais naturellement impatient de voir son dernier film.
Résultat : ce Running Man 2025 n'est ni choquant ni mordant, et le futur qu'il dépeint s'apparente plus à un documentaire sur la télé-réalité et l'effondrement des États-Unis qu'à l'exploration Cyberpunk qu'il voudrait être.
En se concentrant bien plus sur son action non-stop que sur un quelconque commentaire politique, Wright passe totalement à côté de son sujet et nous livre un divertissement lisse, un peu con, et assez laid, qui ne cessera de vous injecter de l'adrénaline grâce à son rythme soutenu, son héros très énervé et un montage presque digne de ce qu'on est en droit d'attendre de son réalisateur.
Le film aurait pu être un bon divertissement sans faire de politique, et j'aurais facilement pardonné l'occasion manquée, s'il n'y avait un décalage absurde entre le talent qu'on a derrière la caméra, et l'absence totale de charisme qu'on a mis devant.
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Une fois de plus avec Wright, la mise en scène est dynamique et inventive. Certes, il a oublié comment filmer une poursuite en bagnole depuis Baby Driver, et c'est certainement son film le plus visuellement brouillon, mais ça reste loin au-dessus du lot de ce que j'ai vu cette année dans le même registre.
Le script est correct et on ne s'ennuie jamais, c'est correctement écrit, l'humour est correct, et "correct" est l'adjectif qui me vient en tête chaque fois que je pense à ce film, ce qui n'est pas franchement bon signe.
Là où Running Man se casse la gueule, c'est sur son casting, car à part Josh Brolin, tout le monde est nul :
■ Glen Powell est... un acteur qui joue dans des films. C'est tout ce que je savais de lui en entrant dans la salle, et tout ce que j'en retiendrai. Dans le rôle principal, il n'est ni bon ni mauvais, juste oubliable. Le film aurait pu décoller avec un vrai acteur pour canaliser la colère permanente du personnage : je pense à un Bruce Willis de l'époque Die Hard, un Nic Cage de l'ère Volte/Face, ou au pire un Jason Statham en période Hypertension.
Il y avait tellement de meilleures options que ça me rend dingue qu'on se soit dit "allez, on prend Glen Powell, qu'est-ce qui pourrait mal se passer" Et vous si c'est une question d'argent, donnez-moi Karl Urban, Timothy Olyphant, Anthony Starr... mais Glen Powell, sérieusement ?
■ Lee Pace, en grand méchant, est nullissime, mais plus globalement, les cinq chasseurs sont un complet ratage. Ce n'est pas juste la faute des acteurs, mais surtout du script qui ne leur donne aucune présence et n'essaye même pas de les différencier visuellement.
Et pourtant, c'est vraiment le minimum syndical : si je fais un film de chasse à l'homme avec cinq chasseurs, mes chasseurs vont tous être des badass icôniques. Il pourrait y avoir une énorme brute, un ninja, un mec avec un jet pack, un sniper... bordel, même Assassin's Creed fait de meilleurs méchants que Running Man. Quel triste gâchis.
■ Emilia Jones est jolie, c'est manifestement tout ce qu'on lui a demandé, et tout ce qu'on en retiendra.
■ Colman Domingo joue un Eddie Murphy Lidl qu'on aurait pu avantageusement remplacer par Tramell Tillman (Severance). Sa seule présence à l'écran aurait injecté une perfusion de charisme dont le film avait grand besoin.
Et enfin, on a ce moment d'humour débridé avec un personnage loufoque, et Wright nous sort... Michael Cera. Vraiment, c'est ce que vous avez trouvé de mieux ? C'était le moment de dégainer la carte Simon Pegg et d'en faire une scène culte. Bordel, quel triste gâchis, quel triste casting pour un film pourtant correct par ailleurs.