En panne de vitesse
Running Man commence comme un thriller futuriste ambitieux, pour rapidement se transformer en un film générique, incapable de proposer une véritable identité visuelle.Edgar Wright, pourtant associé à...
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Il y a toujours quelque chose à attendre d’un film d’Edgar Wright, qui fait partie de ce cercle fermé de cinéaste capable d’ajouter sa patte et son savoir faire à n’importe quel matériau, de la comédie parodique au thriller psychologique en passant par le blockbuster le plus vitaminé.
Le voir aux manettes de la quatrième adaptation de l’année (!) de Stephen King (après The Monkey, Life of Chuck et Marche ou crève) est donc plutôt excitant. Après une première adaptation peu mémorable dans les années 80, Running Man a évidemment de très bonnes raisons de se voir réactivé, tant la dystopie semble inspirée des dérives manifestes de la société occidentale. Lavage de cerveau par la télé-réalité, concentration des médias, contrôle de l’information, privatisation et inégale répartition des richesses sont donc ici légèrement outrés, afin d’offrir un cauchemar concentrationnaire dans lequel un électron libre devrait pouvoir offrir au public quelques ravages cathartiques.
L’énergie et la générosité de Wright sont bien au rendez-vous : le récit est rythmé, ponctué de séquences musicales dont il a le secret, que ce soit dans les séquences de sommaire présentant l’univers dystopiques ou les séquences d’action à proprement parler. Les décors sont riches, et leur diversité toujours exploitée au profit du motif central, celui de la traque, qui investit ainsi façades, ascenseurs, égouts, l’eau, les airs, ou le coffre d’une voiture rivée à un point de vue interne laissant le hors champ et le son raconter ce qui se déroule à l’extérieur. Wright n’a pas perdu son talent, et se fait visiblement plaisir à injecter dans les rouages de la dictature par l’image sa dose de fun destructeur, à l’image de son personnage, ivre de rage sur les injustices, et incapable de garder un poste en raison de son insubordination. L’action est fluide, les motifs variés, à l’image de la maison d’un révolutionnaire qui ne peut résister au plaisir d’avertir les autorités afin de mettre enfin en action les multiples pièges qu’il a préparés pour les accueillir. Wright joue avec une certaine malice sur l’ambivalence à dénoncer le voyeurisme d’une émission ultra-violente par un film qui exploite exactement la même matière première, et voit ses protagonistes hurler de rage face aux drones qui les filment en continu.
Mais c’est justement là la limite de son film : sa ligne de crête restera le fun, et le motif du ver dans le fruit ne dépassera jamais la motivation consistant à divertir les foules. On n’échappera donc pas aux sempiternels motifs sur la famille visant à humaniser le protagoniste, aux rappels lourdingues par flash-backs et retours de photos de la femme et la fille attendant le traitement, tandis qu’on redouble le motif dans une autre famille elle aussi lestée d’une enfant malade. L’incarnation linéaire par Glen Powell, limitée à un froncement de sourcil pour sa fille et un torse nu pour le public ne fait pas exactement dans la valeur ajoutée. Le film a beau aborder la question des deepfakes et de la torsion de la réalité par l’emprise médiatique, il reste lui-même le pur produit aseptisé qu’exige le cahier des charges du blockbuster. Tout est facile, à l’image de ce jeu truqué, où l’on sait d’emblée que les exigences scénaristiques oblitéreront la douleur, feront du fuyard un surhomme et transformeront ses objets de révolte (la pollution, l’exploitation des ouvriers, la misère) en petites saillies rageuses et alibis à sa violence. La séquence de tournage chez le révolutionnaire est en cela éloquente : refusant obstinément d’être politisé, Ben Richards, qui n’est dans le jeu « que pour sa famille », choisit comme fond d’écran une toile blanche, qualifiée de « hardcore » par son éphémère compagnon de route. Rappelons que la même année que la première version de Running Man, en 1987, sortait RoboCop de Verhoeven, dont le revisionnage pourrait donner des idées sur ce dont la satire est capable lorsque son créateur ose souiller l’écran.
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