Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

Running Man
6.2
Running Man

Film de Edgar Wright (2025)

L'affiche et la bande-annonce laissaient présager le pire : une comédie d'action formatée telle que les plateformes de streaming en proposent à la chaine. Mais je ne pouvais me résoudre à croire qu'Edgar Wright, petit génie de la mise en scène, dont l'efficacité a fait ses preuves à de nombreuses reprises (de Shaun of the Dead à Baby Driver en passant par Scott Pilgrim), pouvait noyer son talent dans un vulgaire remake de studio.


Et j'avais à moitié raison. En effet, on retrouve sa patte dans le scenario, qui s'éloigne beaucoup du film original (réalisé par Paul Michael "Starsky" Glaser en 1987), pour revenir au roman de Stephen King, en l'actualisant de manière assez maline et engagée (en fait on n'est même plus vraiment dans l'anticipation mais quasiment dans notre monde réel) en abordant les thèmes de l'explosion des inégalités, du pouvoir des médias, de la post-vérité, de l'IA, de l'inversion des valeurs et du néo-fascisme qui se développe actuellement aux USA comme ailleurs (avec la surveillance généralisée, la propagande outrancière, les drones, etc), et dans certaines idées visuelles prometteuses (la scène du coffre de voiture en particulier).


Malheureusement, pour vraiment fonctionner, il aurait fallu que ce film trouve son identité propre et aille au bout de toutes ces idées.

Au lieu de ça, Running Man ne tient pas ses promesses (alors qu'il en fait énormément tout au long de son déroulé) et on peut jouer à deviner le film auquel ça ressemble.

Attention, je ne parle pas de plagiat (le film de 1987 a déjà eu son lot d'accusations) mais d'idées, de concepts, déjà vus ailleurs, et très souvent en mieux : Hunger Games évidemment, Total Recall, Les Fils de l'homme, Spartacus, Civil War, Jackpot (le film avec Awkafina et John Cena qui avait, lui, eu le bon goût de sortir directement en streaming) ou même le récent Une bataille après l'autre (pour l'aspect volontairement caricatural de certains personnages comme le chef des chasseurs McCone qui rappelle le Général joué par Sean Penn, mais surtout pour le propos révolutionnaire qu'il tente de véhiculer).


Malheureusement, si le film parvient à nous divertir par son rythme plutôt bien tenu (en gros, il y a de l'action toutes les 5 minutes) et à lancer quelques pistes de réflexion sur notre époque et les dangers auxquels nous devrions être vigilants, il est difficile de se satisfaire d'un spectacle aussi lambda, en particulier de la part d'un cinéaste habituellement si inventif, disposant d'un scenario efficace et d'un casting de qualité. L'explication vient peut-être d'un nom qui figure au générique : le producteur Simon Kinberg.

Si vous ne le connaissez pas, sachez qu'on le retrouve régulièrement au générique de films qui avaient du potentiel et qui se sont lamentablement plantés, comme par exemple : Jumper, Elysium, 355, X-Men Dark Phoenix (qu'il a réalisé lui-même) ou son plus éclatant fait d'armes : Les 4 Fantastiques, de Josh Trank.


Je ne connais pas les coulisses de la production mais j'ai souvent eu l'impression que le réalisateur avait été bridé dans ses ambitions et que certaines séquences avaient été remontées contre son gré pour des questions de rythme, leur faisant perdre toute leur originalité. De même, bien que l'humour soit plutôt l'une des qualités habituelles d'Edgar Wright, il fait rarement mouche ici. On est plus proches des comédies d'action des années 80, avec des vannes (mal) calibrées, ne servant qu'à dédramatiser les situations peu crédibles (à la manière d'un Marvel) ou à rendre le personnage principal sympathique.


Parce que, oui, le dernier gros défaut du film, à mon sens, c'est son personnage principal auquel on ne croit pas une seconde : parfait sous tous rapports, avec une gueule de héros américain typique, père de famille modèle, athlétique, malin, drôle, honnête, droit... mais qui croule sous les problèmes et qui est en même temps censé représenter pour le public (pas nous, celui dans le film) le stéréotype du parasite de la société, puis, un symbole de la révolte.

Prendre Glen Powell, acteur-star en pleine ascension, n'était pas forcément une mauvaise idée sur le papier, tant son charisme est évident, mais à l'image, ça ne le fait pas du tout.


Il arrive parfois que je me dise qu'un film aurait été beaucoup mieux avec un autre acteur principal (ça m'arrive régulièrement devant les films avec Tom Cruise par exemple, désolé pour ses fans). Là je n'arrêtais pas de me dire que ça aurait pu être vraiment pas mal avec un type comme Adam Driver, Oscar Isaac ou n'importe quel acteur plus expressif que beau-gosse.

J'ai déjà ressenti ça récemment devant Play Dirty, avec Mark Wahlberg, autre film raté de la part d'un réalisateur pourtant talentueux (Shane Black). Mais encore une fois, c'était un film de plateforme, donc on pouvait s'y attendre.


The Running Man ressemble au final à un produit calibré, courant le plus vite possible vers le happy end attendu, en faisant des petits détours laissant espérer totalement autre chose : le passage avec Michael Cera par exemple, celui où McCone révèle son identité (spoiler : c'est hyper déceptif et, là aussi, ça aurait eu un autre impact avec un autre acteur) ou encore la mort assez cruelle de l'un(e) des participant(s) du jeu.

Malgré de nombreuses qualités, le film démontre qu'un bon scénario, un bon réalisateur et un bon casting ne font pas forcément un bon film. On ne passe pas un mauvais moment, loin de là, mais je ne peux m'empêcher de voir ça comme un immense gâchis.

Meuk-Meuk
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mon Top Ciné 2025

Créée

le 25 nov. 2025

Critique lue 7 fois

Meuk Meuk

Écrit par

Critique lue 7 fois

D'autres avis sur Running Man

Running Man

Running Man

le 12 nov. 2025

Cours, Glen ! Cours !

Quel plaisir de retrouver Edgar Wright dans un univers dystopique aussi barré ! On savait que l’adaptation de Running Man était l’un des projets majeurs du réalisateur, qui lui tenait...

Running Man

Running Man

le 19 nov. 2025

The fake escape

Il y a toujours quelque chose à attendre d’un film d’Edgar Wright, qui fait partie de ce cercle fermé de cinéaste capable d’ajouter sa patte et son savoir faire à n’importe quel matériau, de la...

Running Man

Running Man

le 24 nov. 2025

Le Pathos en direct !

[Petite précision vite fait pour commencer : je n'ai pas lu le roman de Stephen King, donc je n'évoquerai pas l'ensemble en tant qu'adaptation. D'ailleurs, adapté ou non, pour moi, un film est une...

Du même critique

Lion

Lion

le 24 févr. 2017

Une bonne histoire vraie ne suffit pas à faire un bon film

Le problème avec les films "basés sur une histoire vraie", c'est que, souvent, ils partent du principe que, puisque c'est vrai, c'est crédible. Sauf qu'un film doit nous faire adhérer à son histoire,...

La Famille Bélier

La Famille Bélier

le 15 déc. 2014

Mieux vaut entendre ça que d'être sourd

L'idée de base n'était pas mauvaise en soi : la fille entendante d'une famille de sourds se découvre un don pour le chant. Malheureusement, trop de choix ostensiblement commerciaux plombent le film...

Cash

Cash

le 7 juil. 2023

La danse de Quenard

Je vais le dire cash : si le scenario, façon Ocean's eleven à Chartres, n'est pas trop mal ficelé, ce (télé)film ne brille clairement pas par sa mise en scène ou sa direction artistique. Même si...