Parfois, le public peut vraiment être injuste. L'indifférence totale des critiques et des spectateurs au moment de la sortie de ce Southern Comfort a failli me faire manquer un survival parfaitement maîtrisé. C'est toutefois par un hasard complet que l'occasion de voir ce bijou s'est présentée puisque c'est en écoutant du Ry Cooder (celui même qui deviendra célèbre avec la bande originale de Paris, Texas) que j'ai pris connaissance de l'existence de ce film...


Survival au cœur des marécages de Louisiane, Southern Comfort n'est pas sans rappeler la référence du genre : Délivrance de John Boorman. Bien que certains éléments tendent à différencier radicalement les deux films, la descente infernale d'un fleuve sur des embarcations de fortune marque dans les deux cas le début d'une épreuve insupportable. Toutefois, si John Boorman se concentre sur une étude de la condition humaine en démontrant les supplices d'un groupe d'amis relativement solidaires, Walter Hill en profite pour égratigner l'armée américaine complètement désunie et désorganisée.


Pire encore, dans cet exercice militaire plus vrai que nature, les soldats sont en grande partie responsables de leurs mésaventures. L'ensemble du récit sonne comme une mauvaise blague. Après avoir volé des embarcations, un crétin tire avec sa mitraillette chargée à blanc en direction de cajuns qui n'avaient rien demandé. Ces derniers ripostent et tuent le chef militaire. Commence alors une chasse à l'homme violente et complètement hallucinante.


Le caractère surréaliste du récit est renforcé par la proximité constante de la civilisation (on aperçoit à plusieurs reprises un hélicoptère, la voie de sortie ne semble jamais très loin, etc.) qui semble pourtant inexplicablement inaccessible. Le danger est d'ailleurs plus élevé au fur et à mesure que les soldats se rapprochent d'un semblant de civilisation.


Si le réalisateur a longtemps nié toute comparaison avec la guerre du Viêt Nam, la présentation d'un petit groupe d'hommes réussissant à mettre à mal l'armée américaine grâce à une meilleure connaissance du terrain et le soutien de la population locale rappelle tout de même fortement l'enlisement américain.


Évidemment, la musique de Ry Cooder, les superbes paysages, le français incompréhensible des cajuns qui n'est pas celui que les soldats "ont appris à l'école", la nervosité de la réalisation, la kermesse joyeuse à base de blues, marrons grillés et porc fraîchement abattu méritent d'être découverts.

Kevin_R
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 Films, Top 15 Découvertes 2016 (films) et Les meilleurs films de 1981

Créée

le 30 mars 2016

Critique lue 657 fois

6 j'aime

2 commentaires

Kevin R

Écrit par

Critique lue 657 fois

6
2

D'autres avis sur Sans retour

Sans retour
Ugly
8

Le bayou, c'est l'enfer

Walter Hill fait partie de cette génération de cinéastes musclés qui pointent le nez à l'aube des années 80 et à laquelle appartiennent des gars comme John Milius ou John Carpenter ; je l'ai...

Par

le 4 avr. 2020

27 j'aime

18

Sans retour
cinewater
7

Critique de Sans retour par Ciné Water

Après The Warriors que je vous conseille fortement et The Driver, source d'inspiration totale pour le récent Drive de Refn, je continue d'explorer l'oeuvre de Walter Hill. Southern Comfort ou Sans...

le 5 juil. 2014

11 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Kevin_R
3

Les 8 insupportables bavards

Au regard de l'accueil critique très favorable de la majorité des spectateurs, il me semble d'abord nécessaire de prouver ma bonne foi avant tout propos. J'ai découvert Quentin Tarantino alors que...

le 10 janv. 2016

20 j'aime

3

Les Évadés
Kevin_R
5

Under Control

Si la réalisation de The Shawshank Redemption est marquée par un très grand classicisme, ce défaut d'originalité permet néanmoins au récit de se dérouler sans véritable accroc dans le rythme. Les...

le 8 mars 2015

19 j'aime

4

Les Sept Samouraïs
Kevin_R
9

You'll never walk alone

Œuvre quelle que peu à part au sein de la filmographie de Kurosawa, Les Sept Samouraïs constitue pourtant l'un des ses plus grands films. Le long-métrage interpelle d'abord par son apparente...

le 28 févr. 2015

11 j'aime

6