Le caca des autres lustré et parfumé posey dans le clou de l'escalier

Il est temps que les cinéastes cessent de se vouloir intelligents et sensibles, car s'ils n'ont que ce genre de résultats en bout de chaîne, mieux vaut laisser sa chance à la fange et au cynisme. Entre rien et Sans un bruit, la nuance est faible ; oui mais cette nuance c'est toute sa subtilité ! Au départ le film a quelques mérites, il réussit à faire du neuf dans un contexte post-apocalyptique, avec cette injonction au silence sous peine de rafle immédiate par des créatures de cauchemar.


Mais déjà toute la banalité du projet saute à la gorge. Nous voyons les ruines de la civilisation et les grandes maison de la campagne américaine. C'est reparti pour un tour de survie dans un monde désolé, désert, où l'état de nature a repris ses droits – avec éventuellement des forces contre-nature voire surnaturelles, c'est le cœur du sujet ici. Même Annihilation sorti simultanément et boxant dans une autre catégorie reprend ces sortes d'images – où est la banque de données où tous les films américains approchant le survival vont puiser depuis quelques années ? À 90% au moins nous sommes en terrain connu et rebattu, les 10% restant eux-mêmes s'avéreront repompés ou alignés sur les ressorts paresseux du film d'action morbide ou d'horreur fantastique.


Sont servis la femme enceinte (quelle pression ! - et quelle irresponsabilité), le sacrifice dispensable, le son mélancolique, la carte émotion-toute-en-retenue pour combler chaque trou et le compte de trucs qui foirent comme par hasard. La banalité ne suffit pas, il faut aussi rendre l'affaire pénible, alors on jette ponctuellement des lumières aveuglantes dans l’œil du chaland (sans compter l'insupportable culte du lens flare) et lui envoie des sons perçants. Objectif probable : faire tout typique SF en plus de reprendre les pires arguments de Walking Dead, sinon d'imiter ses moments de dépression, les graisses larmoyantes en moins, le faux suspense léthargique en plus.


Ces films posés et 'de genre' ont trouvé le moyen de produire le moins et de tartiner au maximum leurs intentions et leurs ressources techniques. Comme s'il y avait dans ce minimalisme exubérant de la pureté ou un entendement supérieur ! Fini l'embrouille des enjeux compliqués, des conflits, des personnages tordus par eux-mêmes, par l'entourage, par des nécessités ou envies contradictoires, fini les rebondissements et les surprises (quelle vulgarité ! C'est bon pour le bis des cavernes, pas pour le bis post-moderne !). Ou alors, tout ça doit exister de façon rectiligne puis alors être martelé, surligné. Comme il y a de l'image propre, on peut prendre son temps et puisqu'on peut prendre son temps, c'est qu'il se joue quelque chose de fort, que cette œuvre en est une vraie, qu'elle n'a pas peur de la profondeur !


Le spectateur bercé aux Marvel ou à leur détestation va pouvoir apprécier – qu'il n'oublie pas de dire 'merci' à ce film osant lui donner le temps de méditer ! Qu'il savoure d'autant mieux les dialogues qu'ils sont rares. Qu'ils se pomponne avec ces débilités fortes en leurres existentialistes : 'qui sommes-nous si nous ne savons protéger nos enfants' ; oh oui profite de tes instants de répit pour baver ce genre de niaiseries ! Oh oui quelle douleur quelle conscience quelle intensité frustrée, nous n'en pouvons plus nous allons juter ! Enfin le spectateur a des raisons de se faire emporter, notamment celui découvrant Sans un bruit en salles, où le film va inciter les gens à se réprimer et par suite à consentir – avec son quasi silence (négligé, contrairement au silence de mots 'peuplé' dans Jeanne Dielman, produit autrement aberrant mais avec le mérite d'un parti-pris solide).


Dans sa deuxième moitié la séance bascule dans le home invasion avec créatures (sortes de transfuges d'Alien avec des oreilles en peau de miroitement), en prenant le soin de cultiver les aspects les moins intéressants à disposition et surtout ne créant rien de nouveau (l'entrée dans la cachette elle-même est stérile). Jusqu'au-bout ce film aura cumulés les petits mystères organisationnels et particularités sans aucune utilité (à l'exception de ce langage des signes, mais il ne faut pas être gourmand, ou de clou au traitement d'une lourdeur désespérante). Il ne sait qu'aligner des éléments partant en vrille pour bien pourrir LA situation, éléments disparaissant aussitôt. Les possibles anecdotes de la troisième demi-heure sont bâclées (l'inondation) et même déjà dépassées par d'autres (le passage dans la cave à grain de Jigsaw rend celui-ci encore plus minable qu'il l'est par lui-même).


Puis l'incroyable survient. Oui, la famille de survivors mutiques va bien trouver une solution à la (dark) Mars Attacks – résolution posant des problèmes de crédibilité mais surtout actant définitivement que ce film se contrefout de son sujet dans ce qu'il a de global (les auteurs sont un peu comme la voyageuse de Camille redouble, ne profitant de sa connaissance des 20 années à venir que pour renouer avec ses proches), réduit le cas et les malheurs de ses protagonistes à de l'intendance et de l'inhibition ou pleurniche pour photo, ne chérit que la reconstitution de surface. Surgit alors cette fin monstrueuse, à inscrire parmi les pires jamais démoulées, brandissant fièrement tout le mépris des concepteurs de cette chose à la gueule du spectateur. L'action, l'adrénaline, le bestiaire, ce sera sans vous. Encore une fois, un film a abusé de votre patience et de votre tolérance.


https://zogarok.wordpress.com/2018/06/05/sans-un-bruit/

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le 5 juin 2018

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Zogarok

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