Il fallait que j'y arrive tôt ou tard dans mon exploration du vieux cinéma japonais à ce Sadao Yamanaka qui, vraisemblablement, à l'instar de Hiroshi Shimizu, Yasujiro Shimazu ou Heinosuke Gosho, semble toujours inédit dans nos contrées. Il est clair qu'en terme de distribution, pour peu que l'on creuse, l'exploration française est au mieux perfectible, seuls les grands noms pouvant se targuer d'être dignement mis en valeur.


Considéré comme un classique oublié et une référence du narutaki-gumi, Sazen Tange raconte bien les pérégrinations d'un pot contenant une carte menant à l'emplacement d'une somme de roulements de tambour 1 million de ryos. Inutile de s'attendre au traditionnel jidai-geki comme le laisserait supposer la pochette, Yamanaka répondant aux impératifs et à l'esprit même du narutaki de moderniser ou tout du moins revisiter le récit historique. Si Alfred Hitchcock a popularisé et défini même le concept du "MacGuffin", force est de constater que d'autres s'y sont attaqués avant lui dont justement Sazen Tange où le pot est vu comme le moteur de l'avancement scénaristique autour duquel gravitent tous les éléments humains.


Exit donc la grande fresque mettant en scène l'être héroïque se dressant contre le mal et l'oppression. Place à la légèreté et à la relecture du passé pour nous offrir une délicieuse comédie troquant ses samouraïs nihilistes ou humanistes pour un ronin "Monsieur et madame tout le monde". Il n'est ni valeureux et ses seules occupations sont de vivre sa vie et se nourrir à l'oeil dans l'établissement d'une très charmante dame. Les combats résonnent davantage comme des éléments succincts et peu importants. Ils ne font que faire avancer de peu l'histoire, au contraire des actes moraux. La chose amusante étant que dans le jidai-geki classique, c'est justement l'inverse qui a plus d'importance par rapport à l'autre composante.


Malgré sa relative simplicité, il y a une telle spontanéité que nous sommes vite conquis à la cause du film. Sazen Tange est un film attachant et qui plus est est magnifiquement bien construit aussi bien dans le montage que dans la storyline et dans son esthétique flamboyante. L'humour est d'une toute autre dimension : plus subtil, plus léger, jamais calculé, ni pataud. Pourtant, Yamanaka filme ce que l'on pourrait considérer comme des banalités entre parties de pêche, scènes de chant et parties de tir à l'arc. Sauf qu'il nous parle aussi d'abnégation, d'acceptation, de persévérance et d'humanité lorsque la gérante va tout doucement s'attacher au petit Yasu alors qu'elle détestait de base les enfants. Un sentiment qui n'est jamais forcé, se fait tout en finesse au contraire de moult productions dramatiques d'une lourdeur misérabiliste. Sazen Tange est un film qui nous atteint directement dans nos convictions sociales, ce qui est plutôt très fort pour une douce tragicomédie.

MisterLynch
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le 2 juil. 2021

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