Peu importe les motivations de Jay Roach lorsqu'il a entrepris
de réaliser ce biopic (montrer du doigt Fox News ? égratigner son public ? atteindre les Républicains et Donald Trump ?...).


Peu importe si cette même affaire --- Gretchen Carlson VS Roger Ailes --- a été traitée ailleurs (série The Loudest Voice ; 7 épisodes)


Peu importe que le film sorte opportunément en ce moment (le harcèlement sexuel squattant désormais les médias).


La question est : comment nous est présenté ce récit d'une vedette de la télé attaquant en justice son supposé libidineux patron ? ... qu'en est-il du résultat ?


La réponse : il est bon.
Le film est réaliste, crédible, palpitant.


Certes, Scandale ne traite pas en profondeur du harcèlement sexuel, mais là ne résidait pas l'objectif. On ne reproche pas au Discours d'un roi de survoler la question du bégaiement, si ? ... S'en prend-on à Un homme d'exception sous prétexte que les thèmes de la schizophrénie et du génie mathématique ne sont pas creusés ?!


Un biopic est fatalement très formaté (par le passé, les événements, l'Histoire).
Or on a systématiquement des individus qui voudraient que les cinéastes s'attaquant à ce genre pètent plus haut que leurs faits...


D'ailleurs, dans Scandale, non seulement Charlize Theron et Nicole Kidman sont parfaites, mais l'idée d'adjoindre au duo de choc un troisième personnage, fictif, lui (incarné par Margot Robbie, elle aussi très convaincante), tend à montrer, contre l'avis des peine-à-jouir, que le metteur en scène a voulu ajouter au factuel cette pièce supplémentaire afin de dresser un panorama d'individualités propre à amorcer la réflexion.


Nous avons ainsi :


→ l'intouchable star de la chaîne (Megyn Kelly)


→ la présentatrice fragil(isé)e (Gretchen Carlson)


→ l'employée prête à tout (Kayla Pospisil)...


Une même ambition dévorante, le même employeur, le même patron, mais trois personnalités, trois histoires, trois façons différentes de (sur)vivre (à) leur soif de réussite entre les griffes de l'ogre se gavant de pouvoir, de combines et de sexe : Roger Ailes.



Roger Ailes : du désir



Ainsi, prenant le contrepied de l'affiche de son film, qui expose trois minois uniformes (profil unique) a priori victimes à l'identique du si vilain boss qu'elles ont en commun, Jay Roach fait se croiser --- se télescoper --- trois situations différentes et parie sur l'intelligence du spectateur (ce qui lui est reproché implicitement par certains !).


Il n'y a donc pas LA faible femme victime à 100% d'un omnipotent goujat 100% dégueulasse


(Megyn Kelly n'a pas cédé aux avances du monstre, mais elle tient le haut du pavé)


, mais des réalités et des interprétations différente(s).



-- I did it. I gave it to him. (...) He didn't even unbuckle. I feel so filthy.



-- No. Kayla. You didn't do anything wrong



Vous qui avanciez, des scrotums sanguinolents entre les dents, qui vous réjouissiez d'un jeu de massacre intégral, vous allez déjant... déchanter.
Car Scandale fait finalement dans la nuance.
Un exemple : Roger Ailes a beau être portraituré en immonde salopard, dictatorial et sadique, des employées, parfaitement au fait des us et coutumes du bonhomme, prennent sa défense (la Roger Team). Ah elle est belle la solidarité féminine, la "sororité" !...


Megyn Kelly elle-même hésite à témoigner contre Ailes, eu égard notamment à ce qu'il a apporté à la chaîne (business quand tu nous tiens)...


Le film n'est pas exempt de défauts (en tout cas de choix discutables), au début : adresses au spectateur, voix off (intérieures) ; des zooms maladroits, aussi, plus tard... mais rien qui n'entache la force du film : jeu des actrices, fluidité du récit, véracité, suspense.



I want to see her goddamn legs ! Why the fuck do you think I hired her ?



Aussi, après avoir visionné Scandale, la discussion peut s'engager :


-- Ailes le Tout-Puissant qui se fait turluter au burlingue par ses employées. Quel gros porc !


-- Oui, mais s'il veut la sucette au bureau, c'est quand même parce qu'il sait pertinemment que certaines nanas, hyper carriéristes, sont prêtes à la lui offrir, la Chupa Chup !


-- Mais elles n'ont pas le choix ! C'est le pompier ou ... fired !!


-- Ben non : Megyn Kelly, elle, n'a pas cédé aux avances et elle est au top.


-- Oui, mais elle, c'est un cas particulier. C'est une surdouée. Fox News en avait besoin. Et puis rien ne dit qu'à terme Ailes ne l'aurait pas menacée, voire virée...


Etc. Etc.


Quoiqu'il en soit... que vous soyez ou non d'accord, vous ne disconviendrez pas d'une chose : le milieu décrit dans Scandale --- arrivisme, cynisme, trahisons, chantage, magouilles, humiliations... --- est d'une veulerie et d'une laideur repoussantes.


MAIS CA SE BOUSCULE QUAND MEME AU PORTILLON !!!

Arnaud-Fioutieur
8

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Créée

le 21 janv. 2020

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