Ce vieux briscard de Ridley Scott n'est visiblement pas prêt à prendre sa retraite. Devenu presque aussi prolifique que Woody Allen depuis l'an 2000, le réalisateur d'Alien et de Blade Runner nous livre ici son quatrième film en l’espace de quatre ans. Après Prometheus, The Counselor et Exodus qui ont reçu des accueils critiques et publics mitigés (un peu rudes pour ma part concernant les deux premiers mais passons), le cinéaste britannique revient au genre qui l’a jadis propulsé sur le devant de la scène cinématographique mondiale avec The Martian, adaptation du best-seller d’Andy Weir. L’occasion de renouer enfin avec le succès du passé ?


En images c'est toujours mieux


   Je dois tout d’abord avouer que je ne m’attendais vraiment pas à ça avant d’entrer dans la salle. Le synopsis du film laissait penser qu’il s’agissait d’un survival martien où un type allait devoir se triturer les méninges à la recherche de solutions de survie dans un milieu hostile. Après tout ce cadre est propice à créer cette impression d’isolement, de craintes et de dangers imprévisibles. Mais dans les faits, on assiste davantage à un film d’aventures à l’issue de laquelle on ressort avec un sourire immense. Conclusion étonnante à la lecture du synopsis mais du coup on peut le dire, Ridley Scott vient limite d’inventer le feel-good movie spatial.
The Martian bénéficie pour le coup de solides qualités sur tous les plans, ce qui permet d’être facilement embarqué dans l’histoire. On peut déjà commencer par vanter les mérites de l’écriture d’ensemble qui est assez aboutie, notamment en ce qui concerne les protagonistes et surtout le personnage principal incarné par Matt Damon qui s’avère être vraiment attachant. Mark Watney c’est un peu le genre de bonhomme avec qui on partagerait bien une bière après qu’il nous ait bricolé un truc. Jovial, blagueur, parfois cynique, déterminé, astucieux… Chaque spectateur peut s’identifier un minimum à lui et ainsi ressentir une certaine empathie. Et croire en un personnage, c’est aussi vibrer pour lui et vivre pleinement l’aventure. En ça, The Martian est une réussite.
Le film est de plus un véritable modèle de rythme qui font passer les presque 2h30 du métrage à la vitesse d’une balle. Ce qui est admirable ici c’est cette aisance avec laquelle s’enchaînent les séquences tendues et les séquences plus légères teintées d’un humour appréciable (même si parfois un peu lourdaud). The Martian a également le mérite de ne jamais délaisser ses enjeux, qu’ils soient liés à cette notion de survie sur une planète hostile ou encore à toute l’organisation du sauvetage de l’astronaute abandonné. Finalement ce que je craignais n’a finalement pas du tout alourdi le récit car la narration est menée de façon très fluide et ça ne dénote pas avec le ton arboré par le film.
Après c’est certain que j’aurais certainement adoré un film se déroulant uniquement du point de vue de Mark Watney qui tenterait coûte que coûte d’établir un contact avec la Terre sans que l’on ait une visibilité sur ce qui est extérieur à la planète Mars. Mais ici le traitement est bien foutu et son originalité apporte comme un vent de fraîcheur au genre. The Martian ne ment pas sur ses intentions, on sait où l’on va et l'ensemble est mené d'une main de maître. Cette approche étonnante s'avère être finalement pertinente et le film est costaud sur bien des points. Après bien sûr on pourrait chipoter sur quelques détails comme le fait qu’il y ait peut-être quelques aspects scientifiques un peu éludés et vulgarisés ou que Sean Bean fasse la leçon aux chinois sur leurs méthodes indignes des USA. Mais dans l’ensemble on tient quand même un film très bien construit qui nous procure une sensation d’aventure spatiale aussi inédite qu’intense grâce à ce rythme effréné.

Et je trouve pertinent et intelligent le fait de ne pas embourber le film d’explications scientifiques perchées et farfelues. Honnêtement je ne sais pas s’il y a des énormités physiques dans ce film mais au pire ce n’est pas bien grave, car Scott ne va pas chercher à nous engluer l’esprit par des concepts douteux. Le déroulement du récit et l’écriture globale sont si bien maîtrisés que l’on croit à ce que l’on voit et c’est ça le plus important. Point de discours sur l’amour qui transcende l’univers en gros (n’est-ce pas Christopher?), ici place à Matt Damon qui se balade en Rover sur Mars en écoutant de la disco. Et c'est cool !
Papy Scott a beau approcher les 80 ans, il n’en perd pas pour autant son sens du spectaculaire. La mise en scène est globalement de qualité avec quelques pics d’intensité notamment dans la séquence introductive ou encore vers la fin où je me suis accroché à mon caleçon comme rarement. Après ça n’atteint pas le niveau de virtuosité formelle d’un Gravity mais Scott fait tout de même le job plus qu’efficacement. Il y a un plan d’ailleurs dans les dernières minutes avec le ruban qui est juste somptueux en plus d’être le point d’orgue d’une séquence tendue au possible. Du cinéma comme je l’aime. En prime la 3D offre de jolies perspectives sur les séquences extérieures et ne gâche en rien la photographie qui est suffisamment lumineuse pour nous régaler la rétine.
En conclusion nous tenons là un film vraiment réjouissant qui tranche nettement avec le sérieux des dernières grosses productions sur le thème de l’aventure spatiale et nous offre une expérience aussi novatrice que plaisante. The Martian est une œuvre habilement menée qui a le mérite de nous rappeler qu’on peut très bien réaliser un blockbuster divertissant sans pour autant délaisser l’intérêt artistique. Un superbe film placé à mi-chemin entre le périple initiatique et l'hymne au bricolage et à la solidarité. Un beau morceau de cinéma généreux et vraiment très agréable.
Moorhuhn
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Ridley Scott, MMXV et Les meilleurs films de 2015

Créée

le 27 oct. 2015

Critique lue 363 fois

9 j'aime

Moorhuhn

Écrit par

Critique lue 363 fois

9

D'autres avis sur Seul sur Mars

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Seul sur Mars
Sergent_Pepper
7

La pomme de Terre vue du ciel.

Lorsqu’un cinéaste s’attaque à l’éternel silence des espaces infinis qui effrayait déjà Pascal, il tombe sous le poids d’une gravité insoutenable, celle du 2001 de Kubrick. On en a déjà beaucoup...

le 8 nov. 2015

116 j'aime

10

Seul sur Mars
Samu-L
7

I'm gonna have to science the shit out of this

Il y a une espèce de malédiction concernant la planète Mars au cinéma. Même les réalisateurs les plus talentueux se sont cassés les dents sur les bancs de poussière de la planète rouge. De Palma, et...

le 10 oct. 2015

105 j'aime

21

Du même critique

Monuments Men
Moorhuhn
3

George Clooney and Matt Damon are inside !

Ma curiosité naturelle, mêlée à un choix de films restreint sur un créneau horaire pas évident et dans un ciné qui ne propose que 10% de sa programmation en VO m'a poussé à voir ce Monuments Men en...

le 12 mars 2014

61 j'aime

7

Eyjafjallajökull
Moorhuhn
1

Eyenakidevraiharetédefairedéfilmnull

J'imagine la réunion entre les scénaristes du film avant sa réalisation. "Hé Michel t'as vu le volcan qui paralyse l'Europe, il a un nom rigolo hein ouais?", ce à quoi son collègue Jean-Jacques a...

le 23 oct. 2013

59 j'aime

6

Koyaanisqatsi
Moorhuhn
10

La prophétie

Coup d'oeil aujourd'hui sur le film Koyaanisqatsi réalisé en 1982 par Godfrey Reggio. Point de fiction ici, il s'agit d'un film documentaire expérimental sans voix-off ni interventions, bref un film...

le 1 mars 2013

56 j'aime

9