S'il est une chose de certaine, c'est que la France a de sérieux problèmes avec le cinéma de genre. Non pas qu'il y ait incompatibilité entre les deux, le soucis vient surtout des réalisateurs ayant appris leur art dans l'hexagone. Parmi ces derniers, on distingue deux cas de figure : les uns vendant leurs services aux plus offrants de manière internationale (Aja, Leterrier, Gens), face aux autres qui restent cloîtrés en France, ou reviennent d'expériences peu fructueuses en Amérique.


David Moreau est un de ceux là : après un échec somme toute retentissant (The Eye), le réalisateur revient en France pour nous pondre une comédie romantique, puis le film en question : Seuls, adaptation d'une série de bd franco-belges. L'adaptation est-elle réussie? Autant vous dire qu'on n'aura rien à faire de cette question. N'ayant lu aucune oeuvre tirée de la célèbre franchise, concentrons-nous plutôt sur l'oeuvre en tant que film à part entière, non pas comme l'adaptation de telle ou telle bd.


Et s'il est un constat marquant, c'est que le film commence de bonne manière; l'introduction se montre stylisée, bien filmée, bien rythmée. On est rapidement surpris par un tel genre de classe cinématographique, qui penche étrangement du côté de l'esthétique particulière des films Netflix (imagerie sombre qui joue sur des couleurs vives mises en avant par leur luminescence); petit bémol, cette qualité visuelle ne suivra pas pour la suite des réjouissances, l'introduction ne servant strictement à rien. Aucun impact sur la suite du film, aucune répercussion artistique non plus.


La mise en scène redescend elle-même d'un étage, passant d'une réussite stylisée à l'horrible ton monolithique des mauvaises productions de SF/Fantastique. On s'ennuie rapidement devant ce film qui gâche son potentiel dès le départ : les plans s'enchaînent sans conviction, font preuve d'une monochromie suffisamment agaçante pour que l'on en vienne à bouillonner de l'intérieur.


Affreusement lent, le long-métrage ne parvient pas à rendre son histoire un minimum intéressante : linéaire et banale, elle accumule les clichés poussifs d'un genre "teen movie" à l'américaine des plus nauséabonds, et n'évite aucun des pièges tendus par un style cinématographique des plus simplets. On se croirait devant un 5ème vague, chroniqué récemment avec un amour non dissimulé, alors qu'on voulait plutôt voir un Chronicle ou n'importe quel film avec des gosses et de la SF un tant soit peu réussi.


Version sérieuse de Seuls Two, Seuls se vautre aussi dans son jeu d'acteurs; question de direction ou de talent inné, nul ne saura pourquoi l'interprétation parait si fausse, à ce point artificielle. Forcément rabaissée par le cliché des personnages interprétés, les jeunes acteurs ne sont guère aidés par des dialogues affreusement niais ou terriblement bourrins, sans aucune nuance des choses ni semblant de réflexion sur ce qui se passe sous leurs yeux.


Les pires lieux communs se bousculeront tout du long pour arriver premier sur le podium de la connerie grasse, cela jusqu'au final inutilement long et terriblement what the fuck, avec son twist terrible qui ne sera jamais rationalisé ou ne serait-ce que justifié. Et l'on touche ici au principal problème de Seuls, petite production française sans grand intérêt : prévu comme une saga, ce prétendu premier épisode (on doutera avec raison de la venue de quelconques suites) ne s'embourbe jamais dans une quelconque explication des raisons de tout ce qui se passe à l'écran, laissant le tout en suspend jusqu'à la suite hypothétique.


De fait, le système atteint rapidement ses limites, abandonnant le spectateur dans un brouillard d'incompréhension des plus épais, sans aucune piste de réflexion valable ou possiblement logique si l'on prend en compte cette fin difficilement explicable. Par ailleurs étrangement prévisible, on sait souvent ce qui se déroulera tout du long (ou presque, si l'on compte ce twist final tombé de nul part), brisant tout suspens ou tension.


Mauvais film que celui-ci, qui ne rattrapera guère le gouffre dans lequel s'embourbe le cinéma de genre français. Serait-ce trop demander que d'avoir un nouveau Besson, ou que Gens, Aja, ou n'importe quelle nouvelle tête redore le blason déchu d'un honneur dépravé? Affaire à suivre, donc...

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le 1 févr. 2018

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FloBerne

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