Seven
8.1
Seven

Film de David Fincher (1995)

Quand le crime devient architecture du désespoir

Il y a des films qui ne vieillissent pas. Seven fait mieux : il s’incruste. Comme une cicatrice que l’on ne voit plus, mais qui continue de pulser. Près de trente ans après sa sortie, le thriller de David Fincher garde cette puissance brute, presque corrosive, qui vous attrape dès la première scène pluvieuse pour ne plus jamais desserrer sa prise.


Fincher construit son récit comme un piège à double entrée. D’un côté, Somerset (Morgan Freeman), vieux flic fatigué mais lucide, qui observe le monde comme un organisme malade. De l’autre, Mills (Brad Pitt), jeune chien fou persuadé qu’on peut encore faire la différence. Entre eux, une ville anonyme, rongée par la violence, filmée comme une métropole en état de décomposition. Chaque ruelle semble suinter quelque chose d’inavouable. Rien n’est posé au hasard ; tout est densité, rythme, respiration courte.


Le génie du film tient dans son enquête autant que dans son atmosphère. Le tueur n’est pas seulement un criminel méthodique, il incarne un système. Une logique implacable, une mise en scène malsaine dont nous devenons, malgré nous, les spectateurs captifs. Les crimes inspirés des sept péchés capitaux ne cherchent pas à choquer gratuitement : ils révèlent, morceau par morceau, une société engluée dans son propre nihilisme.


Freeman et Pitt forment un duo magnétique, tout en contrastes, chacun apportant sa vibration à l’enquête. Mais c’est Kevin Spacey, glaçant, presque trop calme, qui fait basculer le film dans une autre dimension lors de son apparition. À partir de là, Seven cesse d’être un thriller pour devenir une tragédie moderne. Une mécanique du destin qui ne pouvait mener qu’à une seule question : que reste-t-il de nous lorsque le mal a déjà gagné plusieurs longueurs d’avance ?

Et puis il y a ce fameux dernier acte. Rage, sidération, effondrement intérieur. Fincher ose l’irréparable, sans jamais tomber dans la surenchère. C’est sec, frontal, inoubliable.

Seven n’est pas un film que l’on regarde. C’est un film qui vous regarde en retour. Et qui vous laisse avec cette impression troublante que certaines boîtes, une fois ouvertes, ne se referment jamais vraiment.

Créée

il y a 5 jours

Critique lue 11 fois

Miss Chrysopée

Écrit par

Critique lue 11 fois

6

D'autres avis sur Seven

Seven

Seven

le 7 févr. 2015

Le sang coule dans Seven

Edit: Notez la subtilité du titre, que tout le monde n'a pas remarqué, apparemment. Chère lectrice, cher lecteur, si tu n'as pas vu Seven, je te déconseille de lire ce qui va suivre. Ce film mérite...

Seven

Seven

le 30 juil. 2013

Merci.

Le plus étonnant c'est qu'il suffisait de réfléchir un instant, de ne pas jeter ton flingue mon bon Somerset, pour qu'aujourd'hui je ne sois pas éternel. Enfin pas vraiment moi, mon œuvre. C'était...

Seven

Seven

le 8 mars 2013

Critique de Seven par drélium

Avec spoilers. Je me souviens encore sortir du cinéma en 96 violemment claqué de façon inédite, pas une claque usuelle. Ce film était oppressant, suintant, dégoulinant, désagréable, répulsif et...

Du même critique

Vol au-dessus d'un nid de coucou

Vol au-dessus d'un nid de coucou

il y a 5 jours

La dignité en résistance

Vol au-dessus d’un nid de coucou déploie sa tempête silencieuse avec une précision qui glace encore le regard près d’un demi-siècle après sa sortie. Forman n’offre pas un simple drame psychiatrique...

Into the Wild

Into the Wild

le 30 nov. 2025

Une odyssée moderne entre idéal absolu et impasse intérieure

Sean Penn filme Into the Wild comme un chant de liberté, mais ce chant porte une dissonance fondamentale : celle d’un jeune homme persuadé de fuir la corruption du monde alors qu’il est surtout en...

Le Petit Prince

Le Petit Prince

le 28 oct. 2025

Chef-d’œuvre intemporel

Le Petit Prince réussit le prodige de parler à l’enfant comme à l’adulte, de la même voix claire et mélancolique. Sous ses allures de conte poétique, Saint-Exupéry y déploie une véritable philosophie...