Une grande déception pour ce film présenté comme le chef-d'œuvre de Fincher, au même titre ou au-dessus de Fight Club, alors qu'il est aussi lent qu'il manque d'ampleur. Imaginer un serial-killer utilisant les sept péchés capitaux pour tuer aurait pu s'avérer une excellente idée si elle avait été exploitée aussi pleinement les sept fois qu'elle le fut pour la gourmandise, la paresse et la luxure. Et encore un petit volet biographique, qui nous eût intéressés à ces destinées particulières, manque-t-il même pour la luxure. On ne peut que regretter l'absence de lien entre l'avarice et le mode d'assassinat, ou le lien très ténu en ce qui concerne l'orgueil. Quant à l'envie... S'il était judicieux de faire du criminel lui-même la victime de l'envie, en déjouant les attentes du spectateur qui s'attendait plutôt à voir les deux inspecteurs tomber, la "victime" de la colère était extrêmement prévisible, et la réalisation de ce péché est extrêmement peu aboutie, puisque la colère n'est pas retournée contre Brad Pitt, mais qu'il survit, portant le nombre des victimes effectives des péchés capitaux à 6.
Et n'est-il pas étonnant que ce tueur qui se dit armé par Dieu assassine la femme de l'inspecteur David Mills, pourtant innocente et tout à fait étrangère aux péchés capitaux? Kevin Spacey est certes un assassin fort correct, mais la création de ce personnage présente une absence de cohérence : Morgan Freeman fait tout depuis le début du film pour nous convaincre qu'il n'est pas un fou, alors que sa conviction d'avoir été choisi par Dieu pour accomplir ces crimes et ses petites crises de colère manifestent davantage son instabilité psychologique qu'une parfaite raison. N'eut-il pas été plus judicieux d'en faire un personnage plus extérieur encore à ces péchés, et choisissant de son plein gré d'en punir les auteurs pour la gloire de Dieu, mais sans en ressentir un appel ? Passons sur son armurerie fantaisiste et inutile pour nous concentrer sur l'arrière-plan littéraire qui aurait pu faire l'intérêt intellectuel du film et le distinguer d'autres thrillers tous plus communs les uns que les autres. Malgré les dizaines et les dizaines de minutes perdues à nous faire croire que Chaucer ou Dante représentent quelque chose dans l'histoire, il faut admettre qu'une liste trouvée sur wikipedia des sept péchés capitaux aurait été de la même utilité à nos deux inspecteurs que toutes ces références vaines et prétentieuses. Plutôt qu'une énigme sur ces ouvrages, l'assassin préfère les inviter à deviner qu'il se trouve derrière un tableau à l'envers une trace ADN invisible à l'œil nu qui doit les conduire vers la prochaine victime, bref, un indice fort improbable... Rappelons que son adresse est d'ailleurs trouvée grâce à la liste des livres qu'il a empruntés, intuition judicieuse, mais tout à fait irréaliste : quand toute votre vie et votre pensée tournent autour de trois ou quatre ouvrages, vous les achetez, surtout quand il s'agit de classiques que vous pouvez trouver à un prix dérisoire... Rien ne vient donc rattraper l'absence si rare de charisme de Morgan Freeman, l'absence si rare d'intérêt de Brad Pitt, la musique tantôt inconsistante tantôt casse-oreilles de Howard Shore, le temps perdu à des divagations petit-philosophiques, à une course-poursuite interminable, à des bouquinages insipides. On pourra sans honte préférer Sin City pour la réflexion sur la ville, et la trilogie Hannibal Lecter pour l'interprétation et le personnage du psychopathe cultivé. Se7en, ou comment faire du mauvais avec le meilleur.