Un film qui doit beaucoup à son acteur principal...

  Nous continuons de remonter tranquillement le temps avec le challenge «Ça nous rajeunit pas ». J’avoue que plus les semaines passent, les visionnages s’enchaînent et les critiques paraissent et plus je suis heureuse de m’être lancé ce défi ! Ce dernier me permet de baguenauder avec gourmandise parmi des œuvres de toutes sortes. Or depuis ma déception avec Ida – un truc en noir et blanc, joli mais vide – j’ai délaissé les drames… Pourquoi ne pas, dès lors, me plonger de nouveau dans les affres troubles du monde à l’occasion de l’année 2011 ? Et pour cela, une affiche, sublime me faisait de l’œil depuis longtemps...
Cette affiche, que j’évoquais plus haut, avec cette main qui semble se glisser effrontément sous le draps, annonce tout de suite la couleur, il sera question de sexe. Youpi. Malgré la beauté de la photo en question, l’argument du cul n’aurait pas suffi – je crois – à me convaincre et c’est le synopsis qui a achevé de me décider...
Une addiction sexuelle ? Comme point de départ ? Vraiment ? Avant d’appuyer sur play, je dois bien avouer que je me sentais d’humeur méfiante. Comment diable le réalisateur, dont, je le confesse, je n’ai pas vu un seul film, pourrait aborder un tel sujet sans tomber dans le graveleux ou dans l’écueil si redouté du porn chic ?
Dès les premières images, magnifiques, le choix de l’affiche devient cohérente puisqu’il s’agit de la première scène de *Shame*.
Nous rencontrons donc Brandon. En quelques plans, quelques fragments de vie, tout un portrait est peint : un homme possédant toutes les apparences de la réussite sociale – boulot sérieux, salaire important, appartement au minimalisme snob – mais dont l’existence entière semble tournée vers le sexe. Une véritable addiction. Chaque scène de baise, chaque scène de masturbation, nous montre que ce n’est pas en jouisseur que Brandon offre et s’offre des orgasmes, mais en drogué incapable d’utiliser son énergie et sa volonté dans une quête autre que celle du prochain plan cul, en solitaire ou non.
Le quotidien froid et aseptisé de Brandon n’est entrecoupé que par ces pulsions incontrôlables… Et le spectateur a l’impression que les jours pourront se dérouler indéfiniment de la même façon : boulot, relations et conversations vides, baise tarifée ou de passage, branlette honteuse dans les toilettes du bureau… Mais c’était sans compter l’arrivée de la sœur du héros, Sissy. Celle-ci s’incruste dans l’appartement du frangin. Et le contraste entre les deux personnages est souligné à travers chaque détail : maintien, langage, costume.
De l’actrice qui incarne Sissy, je dois avouer que je ne suis parvenue à me souvenir d’elle que pour son rôle -anecdotique- dans *Doctor Who*… Et oui… Toutefois je dois bien le dire, Carey Mulligan livre une prestation tout à fait convenable dans le rôle de cette jeune chanteuse paumée qui, avant tout, semble chercher à être aimée.
Bien entendu, l’irruption de la jeune femme dans le quotidien de Brandon ne va pas se faire sans heurt. À l’image du bordel qu’elle met dans l’appartement de son frère, c’est toute la vie de ce dernier qu’elle va perturber.
Brandon va souffrir de plus en plus de la présence de sa sœur, cherchant à la fois à dissimuler l’addiction qui le ronge et à assouvir ses pulsions du mieux qu’il peut. Sans, bien entendu, y parvenir. Sissy, en occupant bruyamment l’espace et le quotidien de son frère, va obliger se dernier à regarder en face son obsession.
La réalisation est un peu oppressante et nous permet de mieux comprendre de quelle manière Brandon est étranglé par son addiction. Jusqu’à comprendre qu’il est incapable d’autre type de relation que de la baise impersonnelle.
Si la caméra de monsieur McQueen appuie le récit, *Shame* ne serait pas grand-chose sans son acteur principal, Michael Fassbender. C’est lui qui porte le film sur ses épaules et permet d’atténuer les défauts de ce dernier. Sans lui, on aurait surtout retenu un récit un peu facile dont la psychologie, simpliste, manque de la vigueur dont fait preuve Brandon.
Reste un film qui, bien que peinant à susciter autant d’émotions que le récit le mériterait, fascine grâce au charisme de son acteur et à une réalisation classique mais soignée.
CulturoVoraces
7
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le 5 avr. 2022

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