Shaolin
6.3
Shaolin

Film de Benny Chan (2011)

J'aime Benny Chan. Je ne le répéterai jamais assez. Même si très peu de ses films atteignent le seuil de petit chef d'œuvre (exceptés New Police Story et Heroic Duo), ça reste du cinéma convaincant, assez riche et qui me fait du bien.


Le scénario est souvent sacrifié pour une histoire plus convenue, avec des personnages un peu lisses, des situations pas toujours originales.. Mais une ambiance agréable, une réalisation soignée et propre, des combats et des cascades grandioses à la mise en scène parfaite car nerveuse et gracieuse.
Et au début des années 2000, apparaît des effets spéciaux franchement convaincants, utilisés avec justesse (mis à part ses génériques affreux, évidemment).


Donc Benny Chan qui nous fait un nouveau blockbuster ?
Ses retrouvailles avec Jackie Chan ? Et son petit protégé Tse ?
Et qui nous parle de Shaolin ?
Durant une période trouble de l'histoire de la Chine ?
J'étais totalement acquis à la cause.


Les premières minutes sont très engageantes.
Toute la première partie est exactement ce que j'espérai.
Une introduction classique de Shaolin, qui représente la pureté et le respect (mais toujours une certaine naïveté fragile). Et face au monastère on a le peuple, innocent et faible, qui subit le monde.
Et ce monde c'est les soldats. Une marrée de soldats. Des êtres infâmes, presque possédés. Des méchants.
Et à leur tête, un Andy Lau magistral. Une odieuse ordure impassible, glaciale, terrifiante et abjecte avec n'importe qui.
C'est classique, certains diraient convenu. Mais c'est très bien fait.
On ressent le malaise et la douleur des personnages.
On ressent la perversion et la paranoïa d'un chef dont l'âme s'est engouffré dans des ténèbres profondes.


S'ensuit naturellement des trahisons, des tensions, des coups d'état...
Le tout à l'intensité folle, au point qu'on arrive à empathir pour cette ordure.
Ces scènes sont d'ailleurs très violentes et particulièrement cruelles. On sent que Benny Chan se lâche, comme il sait si bien le faire. Il n'hésite pas à franchir quelques limites pour choquer, pour donner de la profondeur à son récit et à la psychologie des personnages.


Ce premier acte se conclue d'une façon admirable, logique et captivante.
A ce moment là on se dit que le film prend une direction fascinante, et que ça ne peut qu'être grandiose.
Cependant....


J'ai beaucoup de mal avec la 2ème partie. Je la trouve très détachée.
On y voit l'évolution du personnage dans le monastère, à se prêter au jeu des moines. Cependant, tout ça intervient bien trop rapidement !
Que le personnage ait une révélation, je peux comprendre. Mais tout semble si expéditif...
Il est très vite accepté. Très vite doué en tout. Très vite épanoui aussi...
Le bouddhisme n'est pourtant pas l'option de facilité, mais une réelle traversée, un chemin spirituel.
Les préceptes de Shaolin sont très simplifiés, au point qu'on a l'impression d'y voir un simple groupe de soutient à l'alopécie...
Merde quoi, y'avait vraiment mieux à faire !


Le film cherche à développer son concept de miséricorde et de rédemption, et construit ses idées en limitant Shaolin à ces 2 idées.
Ainsi donc la libération vient en un clin d'œil. Vraiment dommage..


Idem pour le Kung-fu, qui est relégué à un rôle très basique (même si le film tente vainement de développer un propos autour de cet art, via un petit dialogue maladroit...)


Et plus révoltant encore, ce discours expéditif sur le chan (que tout le monde appelle bêtement "zen" de nos jours) alors que là aussi c'est une base essentielle au bouddhisme !
D'autant qu'il traduit très clairement l'évolution qu'est censé entreprendre le héros...


En gros, j'ai un gros problème avec les propos du film.
On comprend aisément le schéma du "c'est pas bien d'être méchant, c'est mieux d'être gentil", un discours bidon que pourrait entreprendre n'importe quel blockbuster.
Mais celui ci est situé à Shaolin, et donc prone des idéaux bouddhiste. Alors pourquoi ne pas utiliser cette philosophie à porter de bras ?
Très frustrant...


Ce qui me navre également, c'est que beaucoup de personnes néophytes ont du se faire de fausses idées de ce qu'est Shaolin et même le bouddhisme en regardant ce film..


Enfin bon, quand on comprend que le film ne compte pas se servir des principes bouddhistes, on apprécie tout de même ce que le film a à offrir.


Le scénario stagne bien vite en milieu de film, mais redémarre à la fin avec beaucoup d'intensité à nouveau.


Le combats sont très bien fichus, notamment le combat final qui est filmé comme seul Benny Chan sait le faire.


Les acteurs sont bons, ils s'impliquent.
Nicholas Tse cabotine un peu, mais sûrement à cause de son personnage pas très bien écrit.
Lau est très bon cependant, surtout durant la première partie. Sa transition, bien que mal fichue selon moi, reste étonnamment convaincante par son jeu d'acteur, parfaitement en adéquation avec le concept de rédemption suite à un traumatisme inqualifiable.


Maintenant vient le moment de parler de Jackie Chan...
J'aime ce mec, tout le monde le sait. Et tout le monde l'aime d'ailleurs !
Mais là....
Qu'est ce que c'est loupé...
Déjà son personnage ne sert à rien, il apparaît rarement, et quand il apparaît, c'est assez naze.
La blague d'en faire un expert en arts martiaux malgré lui ne fonctionne pas. Déjà parce que c'est Jackie Chan, donc y'a rien de surprenant à nous apprendre que "lol en fait il sait se battre !". Personne n'en a douté une seule seconde les gars..
Et puis merde quoi, le personnage est creux... C'est un cuistot, il est rigolo, voilà.
On le sent vraiment pas impliqué en plus.
Il met un bonnet tout du long pour ne pas montrer qu'il a encore des cheveux en dessous (ne lui reprochons pas de ne pas s'être plié à la tonte, c'est par superstition qu'il se l'interdit).
Et surtout le personnage n'a RIEN d'un moine.
Déjà les moines Shaolin doivent connaître le Kung-fu, c'est indispensable.
Ensuite, ils sont bouddhistes, doivent respecter des valeurs, une hiérarchie, une spiritualité.
Ce personnage n'a rien à foutre dans un monastère.
(Monastère que n'importe quel moine peut quitter sur un coup de tête tranquillou d'ailleurs, nawak).


Encore une fois, ce qui frappe c'est cette absence de connaissances sur Shaolin. Alors pourquoi avoir fait un film dessus...?


En autre petit défaut, j'ai noté :



  • une petite abondance d'effets numériques durant certains combats. Ce n'est pas gênant au départ, mais à l'accumulation on finit par ne plus réellement se sentir ancré dans le réel, ce qui rend les combats moins prenants.


  • un symbolisme un peu forcé, qu'on aurait aimé plus subtile et pertinent.


  • un changement de ton déstabilisant. Le début du film étant vraiment dur, puis bien plus léger ensuite, avec des scènes d'humour bon enfant.


  • une accumulation de sacrifices, qui s'enchaînent tous les uns après les autres, ce qui fait un peu gimmick pathos facile à la longue.



Beaucoup de frustration donc.
Ce qui est pénible parce que j'avais vraiment envie d'adorer ce film...


Mis à part ça je ne peux pas dire que le film est mauvais.
Il est bien fichu, un peu maladroit mais comme toujours avec Benny Chan.
Andy Lau est vraiment super.
Et même s'il utilise le bouddhisme avec opportunisme, il effleure tout de même quelques concepts intéressants. J'aime du coup beaucoup sa fin, très humble et riche de sens.


J'ai longuement hésité entre un 6 et un 7. J'ai décidé de mettre 6, car chez moi la frustration était tout de même très présente.
Et j'en veux pas mal au film de m'avoir promis de la philosophie bouddhiste pour finalement m'offrir une simple surface de couverture.


Ps : Pour vous donner une meilleure idée de ce qu'est le bouddhisme dans toute sa grandeur, sa complexité et sa pureté, je vous conseille les films :
- Running on Karma (en plus y'a Andy Lau !)
- La triolige de la 36ème Chambre de Shaolin
- et même Le Roi Singe de 1995 qui l'aborde de la plus belle des façons !

Créée

le 30 janv. 2021

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Sacré_vandale

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