Durant un échange de ballons, une fillette quitte ses copines pour rendre service à un inconnu. Sa naïveté lui vaudra d'être violée et assassinée. La vision de son corps inanimé et le souvenir de son bourreau vont marquer à jamais celles qui lui ont échappé.

Si la tristesse de Tôkyo Sônata tirait vers la mélancolie et le rêve, celle de Shokuzai : Celles qui voulaient se souvenir tend vers l'horreur et la réalité. A travers trois premiers personnages, Kiyoshi Kurosawa rapporte l'impact que peut avoir un tel événement sur ses témoins. Comme le tueur, le traumatisme porte plusieurs visages.

Celui d'une mère éternellement en deuil, dont les apparitions presque théâtrales rappelle la grande faucheuse et angoisse. Celui d'une femme apeurée qui lutte pour rester dans l'enfance et ne pas s'attirer les caresses d'un homme. Celui d'une professeur de mathématiques prête à la plus grande sévérité pour protéger ses élèves d'un prédateur.

Les trois actrices à l'excellente performance vont chacune renvoyer une émotion au spectateur : la peine, la peur et la culpabilité. Attaché à l'exactitude du drame qu'il instaure, Kurosawa montre qu'un meurtrier peut aussi transmettre sa brutalité à ceux qui la subissent. Car ces trois troubles vont, dans un déroulé oppressant et lancinant, converger à un moment ou à un autre vers une violence éclatante.

Le cinéaste illustre ici tout son talent et montre que son cinéma ne fait pas dans la psychologie de comptoir. L'abysse menaçant qu'il creuse est profond et effrayant de vérité. Il se signale par des images ternes, des plans de caméra fixes et étouffants. Le rythme lent, caractéristique des films japonais, est souligné par des musiques lourdes et ponctuelles.

Un puissant paradoxe construit le suspense : bien que le criminel les habite, aucune des protagonistes n'arrivent à se remémorer son apparence. Ne l'ayant jamais vu, la salle ne peut qu'avoir des doutes. La suite Shokuzai : Celles qui voulaient oublier devrait permettre de les effacer.
L'audience aussi veut se souvenir.
JulianDesjardin
9
Écrit par

Créée

le 25 août 2013

Critique lue 303 fois

2 j'aime

JulianDesjardin

Écrit par

Critique lue 303 fois

2

D'autres avis sur Shokuzai : Celles qui voulaient se souvenir

Du même critique

Immunity
JulianDesjardin
10

Invincible.

Une fois assoupi, l'arbitraire des chimères du sommeil fait son office. Il fait jaillir dans la tête de l'endormi, du bon ou du mauvais. Il ne lui demande pas son avis. Il le laisse désorienté...

le 3 sept. 2013

18 j'aime

2

6 Feet Deep
JulianDesjardin
8

Éloge funèbre.

En 1994, Biggie Smalls se dit prêt à mourir tandis que Common attend sa résurrection. Des souhaits qu'auraient pu exaucer sans difficultés la clique démoniaque de Gravediggaz. Ils ne rappent pas sur...

le 6 sept. 2013

13 j'aime

2

L'Étranger
JulianDesjardin
8

Etranger, oui, mais pour qui?

Pour le monde qui l'entoure, Meursault semble être un étranger. Il est perçu comme un être bizarre, taciturne et insensible. Une personnalité intrigante qui va d'abord lui attirer quelques amitiés...

le 24 sept. 2013

9 j'aime

1