Un chef d'oeuvre cinématographique, pour moi, n'a pas besoin d'être parfait. Un chef d'oeuvre, c'est un film qui nous met un bon coup dans le cul, de façon à ce que quand le générique de fin apparaît, on se dit : "Putain de bon dieu, comment un être humain a pu se réveiller un matin pour pondre un truc pareil ?". Vous voyez, il y a des films qui nous font changer un samedi après-midi merdique en un samedi après-midi divertissant, et il y a des films qui nous font changer nous-même et notre vision de certains sujets. De la même façon que le film "Her" de Spike Jonze m'avait fait changé ma vision de l'amour, "Shutter Island" m'a fait changé ma vision des malades mentals.
Ce film ne peut plaire qu'à une certaine catégorie de spectateurs: pour le visionner et se faire plaisir en même temps, il faut qu'on écoute chaque dialogue, qu'on examine chaque lenteur du film (Shutter Island dure 2h10, le rythme est assez lent par moment), qu'on suit l'enquête de bout en bout. Il arrivera quelques moments où le spectateur se fera chier, et c'est là toute la magie de ce film. Shutter Island est comme un grand huit, il nous entraîne délicatement et sereinement à travers l'enquête qui tarde à décoller faute d'indices mais à un moment, paf, le rythme accélère tellement qu'on a du mal à suivre si on est pas réveillé. Le dénouement final est explosif, et nous fait perdre nos moyens. On tâtonne, on y croit pas, nos lèvres gémissent comme si on s'était reçu un coup de couteau en plein coeur. Le scénario est d'une splendeur étonnante car il réussit à nous mener par le bout du nez sans même qu'on s'en aperçoive. La loi des 4, le 67... en un éclair, Scorsese et compagnie nous expliquent tout et tout est cohérent, même si tout paraît incompréhensible.
Leonardo Di Caprio magne à la perfection (et je n'exagère pas) son rôle de marshall allant tout droit vers le chemin de la démence, Mark Ruffalo est satisfaisant (malheureusement, il n'a pas été assez visible durant tout le film ou en tout cas, disant que son collègue blond lui a volé la vedette) et Kingsley, quant à lui, est très bon. Le casting est exceptionnelle, l'atmosphère très plaisante, mais c'est surtout Scorsese qui nous étonne. Bien que nous nous sommes jamais au bout de nos surprises avec lui, il n'a pas hésité une fois de plus à nous pondre une claque esthétique de grande envergure et une histoire entraînante. Quelques bémols gênent, comme par exemple certains dialogues assez chiants ou encore la complexité de l'histoire qui nous a un peu gêné par moments.
Shutter Island est un thriller psychologique à regarder, mais je vous préviens, vous allez vous en prendre plein la gueule.