Dès l’ouverture, Sinister installe un revers inattendu du quotidien : une maison dont les murs retiennent plus que des souvenirs, l’écrivain Ellison Oswalt (Ethan Hawke) s’y installe malgré les signes. Le plan Super 8 d’une famille pendue sous un arbre introduit la mort comme la trace silencieuse d’un vécu trop banal. La caméra ne surgit pas ; elle attend. Et c’est l’attente elle-même qui devient le spectre.


Ellison, en quête d’un succès littéraire perdu, pense maîtriser l’horreur : il la regarde, la documente, en fait matière. Mais le film montre que la peur ne se conquiert pas par les mots. Elle se glisse dans les grincements, se couche sous le lit, se glisse sous la porte. Hawke incarne cette chute non glorieuse vers l’obsession, et son visage devient le lieu d’un effondrement discret, mais inexorable.


L’espace domestique se métamorphose : le grenier, la maison, l’arbre du jardin, tout s’aligne pour emprisonner. La linéarité de la narration — sans saut brusque, sans ellipse ostentatoire — rend la progression plus sourde, plus implacable. Le confort familial devient piège démoniaque. Le décor n’est plus décor : il est écho, reflet perdu, boucle infernale.


Le dispositif visuel des films Super 8 trouvés transforme l’image familière en miroir de l’effroi. Ces films-dans-le-film sont plus qu’éléments narratifs : ils sont le cœur latent du récit, la racine du mal. Le grain de la pellicule, le crissement de la bande-son, la lumière bleutée des projecteurs, tout s’assemble pour que la terreur vienne de ce que l’on croyait sûr. Le mythe de Bughuul et l’ombre de l’enfant disparaissant derrière la caméra incarnent cette menace qui se transmet.


Pour autant, le film n’échappe pas totalement à ses conventions. L’explication finale du mythe, certains choix de scénario, la mécanique des jump-scares apparaissent comme des échafaudages connus. Mais précisément ici, c’est l’ordinaire qui frappe : Ellison ne fuit pas ; il reste. Et dans ce choix banal, réside l’horreur. Le film ne hurle pas ; il s’installe.


En définitive, Sinister ne cherche pas à révolutionner le genre, mais à le renouer avec sa racine : la perturbation lente, l’invasion du familier, la peur qui devient présence. Il remplit pleinement sa promesse pour qui accepte que l’horreur ne soit pas l’éclair, mais la lame qui pénètre sans qu’on la voie.

ZolaNtondo
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il y a 2 jours

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