Sinners
6.7
Sinners

Film de Ryan Coogler (2025)

Une Nuit en Enfer ?? (Analyse)

À vrai dire ce film n'a jamais été dans mes projets de visionnage de l'année. Tout d'abord le fait que sa direction ait été confiée a Ryan Coogler ne m'avait pas vraiment convaincu, son cinéma ne m'ayant jamais vraiment intéressé. Ce cinéaste ne faisait selon moi qu'avancer des saga hollywoodiennes à gros budget comme le MCU avec ses Black Panther ou encore donner une suite de la saga Rocky que personne n'attendait avec Creed. Bien qu'il se soit construit une patte avec ces films ils n'étaient franchement pas très bons voire même catastrophiques avec Black Panther : Wakanda Forever. De plus, la bande annonce promettait une sorte de film d'horreur plutôt classique dans ce qu'on a l'habitude de voir aujourd'hui et qui s'inspirait directement d'Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez . Je veux dire, on a quand même affaire à deux gangsters jumeaux se faisant envahir par une horde de vampires dans un bar, je crois avoir vu dans ma vie des références beaucoup plus subtiles.


Pourtant, Ryan Coogler livre à travers Sinners son film le plus personnel dans lequel on retrouve certaines thématiques de ses anciens films tel que le racisme. Et ce tout en modifiant certains codes du genre de l'horreur non pas qu'il en invente mais plutôt qu'il va à l'encontre des attentes du spectateur quant à la promesse que faisait le film dans la bande annonce. Et c'est en cela que le film est une énorme surprise !


Le film se divise selon moi en deux parties et présente deux idées différentes. La première se déroule pendant la première heure et sert à installer le cadre des personnages et des thématiques que le réalisateur souhaite aborder. On nous fait entrevoir au début et à la fin du premier acte le thème du cinéma horrifique avec un lien avec la religion (le diable y est mentionné plusieurs fois). Puis cette idée est mis de côté pour nous présenter les enjeux initiaux et c'est là qu'on peut alors voir que le film s'arpente presque dans le cinéma musical; la musique de Ludwig Göransson étant omniprésente dans le récit mettant en avant l'importance du genre musical du blues dans le film. Les deux personnages interprétés par Michael B Jordan, l'acteur fétiche du cinéaste sont magnifiquement interprétés et apparaissent simultanément comme des figures d'anges et démons de manières qui leurs sont propres. Ils ont également un axe de développement suffisant pour que le spectateur aie le temps de s'approprier les comportements à travers leurs riches personnalités et backgrounds et donc de s'attacher à eux. Tous les autres personnages sont également présentés ainsi que les liens qu'ils entretiennes entre eux de manière inclusive nous faisant ainsi presque oublier le côté horrifique du film.


Pourtant l'intérêt de cette première partie réside dans sa capacité à avertir le spectateur de la venue progressive du cinéma horrifique à travers la mise en scène. En effet bien que la première partie se déroule dans une journée ensoleillée la colorimétrie reste cependant plutôt sombre grâce à des ombres réfléchies sur le décor ou bien sur les personnages. Pour en revenir à la musique, un autre des effets bénéfiques de son omniprésence est le fait que les scènes de tensions sont masquées par celle ci et provoquant un effet jump scare sur le spectateur. On retrouve des indices d'intervention du cinéma fantastiques notamment grâce à la présentation des antagonistes sous forme de vampire lors d'une courte séquence dans un endroit isolé de l'intrigue principale. C'est aussi à partir de là que l'on peut brièvement apercevoir des vautours tournoyant autour de chaque endroit où les massacres auront lieu dont le bar où se trouvent les personnages.


La dernière scène du premier acte qui est aussi surement la séquence la plus culte du film montre un plan séquence présentant l'évolution de la musique afro-américaine à travers les âges. Elle permet également de faire écho à l'introduction du film qui résume entièrement la scène et donc de créer un contraste entre les deux genres du film (le musical et l'horreur); car on aperçoit au dehors du bar les vampires se tenant droit face à l'endroit nous faisant prendre conscience du massacre qui va suivre prochainement.


(Attention pour ceux qui n'ont pas vu le film le spoil va devenir conséquent pour la deuxième partie).

La deuxième partie elle, se concentre sur l'affrontement mais pas de la manière dont on pourrait l'appréhender. En effet en allant voir le film on imagine un affrontement dans le style du "Survival" avec des humains voulant survivre aux vampires. Pourtant, l'affrontement avec les vampires ne commence pas directement au début du second acte, il n'aura lieu en réalité que lors des 30 dernières minutes du film. Peu après le concert du blues réalisé dans le bar par Sammie Moore, le cousin des jumeaux Smoke et Stack, les tensions entre les personnages commencent à monter. On alterne entre amour impossible, manque d'argent, refus d'émancipation ect... Du côté des vampires (qui va devenir un autre de leur problème) on apprend que leur meneur n'est autre que le diable incarné dans le corps du vampire et c'est là que le film devient intéressant dans sa proposition. Car oui, puisque le diable est en quelque sorte le guide des morts et que les vampires sont en quelque sorte des morts-vivants, sa posture de guide des vampires est tout à fait logique.


De plus l'intervention du diable permet d'appuyer le lien avec la religion en mettant opposition le diable et aussi dieu finalement et ce de manière totalement neutre. En effet on avait appris plus tôt dans le film que le père du protagoniste Sammie Moore est curé et qu'il exerce une éducation de Sammie plutôt penchée sur le contrôle afin de faire en sorte qu'il ne s'oriente pas vers le mauvais chemin selon l'éthique de dieu. Seulement, le diable aussi a son éthique et elle ne nous est pas forcément présentée comme étant péjorative bien au contraire. Selon le diable, en entrainant dans la mort des protagonistes il les entraîneraient dans un monde ou ils pourraient vivre ensemble éternellement, ce qui serait en quelque sorte la solution à tous les problèmes que j'avais présenté précédemment.


Le récit adopte également un ton tarantinesque autant dans le fond que dans la forme car les phases d'actions bien que sanglantes précèdent de longues séquences de dialogues entre les personnages (humains et vampires) débattant au sujet de leurs actions. (Aparté :Le film a d'ailleurs selon moi un petit coté Django Unchained surtout à la fin lorsque Smoke affronte des membres du KKK armé d'une mitrailleuse).

C'est à ce niveau là que Sinners m'a surpris, car au lieu de faire le repompage prévisible d'Une Nuit en Enfer (malgré d'évidentes références à Tarantino) le film propose une figure du vampire plutôt équivalent à ce qu'on pouvait voir dans Entretien avec un Vampire de Neil Jordan qui proposait une vision similaire de la vie et de la mort. Et c'est cette même question de vie et de mort qui rends ce type de Survival intéressant car au delà du fait de survivre les antagonistes sèment le doute dans les protagonistes, se demandant alors quel est le bon chemin à prendre.


Le film possède évidemment des défauts à cause d'idées survolées un peu trop rapidement comme avec les indiens-exorcistes, car bien que l'idée soit bonne ces personnages ne servent que de décor et auraient pu être retirés du film, cela aurait même permis de créer un effet jump scare plus puissant au sujet de ce qui va suivre dans la séquence. De plus malgré que les performances de Michael B Jordan soit très convaincante elle l'est un peu moins lorsque les deux personnages qu'il interprète sont confrontés. (Car oui spoiler : le personnage de Stack est transformé en vampire et est confronté à son frère afin de le transformer lui-même en vampire). En effet les limites de la performance de Michael B Jordan apparaissent au moment ou il y a affrontement entre les deux personnages car avec la dynamique un peu trop grande de l'action il est difficile de savoir lequel d'entre eux est en train de prendre le dessus.


Ce film n'est pas un immense chef d'œuvre cinématographique mais il reste néanmoins riche et original en termes de divertissement de par son mélange des genres et des cultures le tout avec de multiples idées de fonds et de formes très convaincantes. C'est avec ce genre de films que l'on peut garantir des productions hollywoodiennes de qualité pour les années à venir car c'est bien cela le problème actuel d'Hollywood : le repompage d'œuvres vus et revues notamment à travers les films d'horreur et d'action-aventure.

Seigyo
8
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le 30 avr. 2025

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